Fantôme d’Indien
(Acrostiche à double voix : Gérard et Romane)
Beagle
Le canal est là
Et, funeste, se lève
Un williwa qui grandit
En ridant la surface de l’eau.
Emblème ravageur,
Sépulture marine,
Peut-être son tourment
Etrangle t-il en sa revanche
Rageusement, avant de le noyer
Au fond du monde perdu,
Nié, décimé, disparu à jamais,
Ce mot qu’il veut que j’oublie :
Espérance…
Non ! Je ne suis pas seul.
On dirait qu’un homme là-bas,
Indécis, s’avance sur cette mer
Rageuse, froid bouillon de deux océans.
Demi-nu sur sa barque,
Alakaluf ou Yaghan
Raidi face au danger.
Williwa, oh, s’il te plaît,
Il me vient une idée :
Ne lui fais pas de mal à ce dernier…
Et mon regard se blesse
Tant il veut s’accrocher
Obstinément à la survivance ;
Il émerge, le fantôme d’indien,
Libre, d’un autre temps,
Entre glace et ciel bas.
Berger de tous les siens
Livrés au massacre pour rien,
A-t-il entendu ma prière ?
Navigant vers son supplice muet,
C’est de ses yeux qu’il murmure « Kaweskar » :
« Homme » !
Eperdument…
Romane et Gérard.
* Alakaluf et Yaghan sont les noms des hommes appartenant respectivement à leur tribu.
* Kaweskar signifiait "homme" dans le langage des Indiens dont on a pu retrouver quelques termes.
* Le williwa est le vent d'une force terrifiante qui se lève brutalement en ce point de rencontre des deux océans.