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| Traité de Gilles Sorgel | |
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didier mordu(e)
Nombre de messages : 448 Age : 63 Localisation : Pornichet (44) Date d'inscription : 01/02/2005
| Sujet: Traité de Gilles Sorgel Mer 2 Fév - 16:45 | |
| copyright Gilles Sorgel - tout droit réservé à l'auteur
TRAITE
DE PROSODIE CLASSIQUE
A L’ USAGE DES CLASSIQUES
ET DES DISSIDENTS
Illustrations de André Margat pages 10, 71, 83, 85, 108, 109 - André Nauleau pages 56, - Hélène Lamourdedieu page 110 - A. V. pages 54, illustrateurs des œuvres de Marcel Chabot. Illustrations de Walter Gola, artiste, poète et peintre de San Benigno Canavese - Italia - pages 19, 55 et 92. ISBN : 2-9510055-4-7 © Copyright : Gilles Sorgel Tout droit réservé pour tout pays y compris la C.E.I. BP 426 - 60204 Compiègne
PREFACE de la troisième édition Pour que vous puissiez comprendre ma démarche, permettez-moi de vous expliquer rapidement le chemin tortueux dirait notre ami La Fontaine, que j'ai dû suivre avant d'aboutir à la septantaine... J'ai longtemps hésité à rééditer ce traité de technique poétique, résurgence d'un passé fait d'une abnégation totale au profit de mes frères poètes et que je ne regrette certes pas bien qu'elle fût incomprise par certains esprits retors lorsque l'impitoyable machine administrative moderne, aveugle et souvent inconsciente, en broya le frêle édifice. Une plaie béante, douloureuse et lente à se cicatriser. Je me suis alors retiré au plus profond du désert de mes pensées, me replongeant dans celles de ma jeunesse lorsque j'endossai la bure et me préparais à servir Dieu et mon prochain. Balayant la poussière du quotidien, riche d'une expérience non négligeable après trente ans vécus - car on ne peut renier son tempérament -, tel un cyclone, dans un tourbillon affolant, bousculant les domaines les plus divers, de la politique au syndicalisme, aux bribes de révolution, aux marasmes épuisants du monde des affaires, puis au bénévolat pénible et ingrat, j'ai enfin pu réfléchir et méditer calmement sur des problèmes primordiaux négligés malheureusement par la majorité d'entre nous, par obligations matérielles du terre à terre et du pain quotidien : "Que sommes-nous ? D'où venons-nous ? Où allons-nous ? Et Dieu ? Dieu existe-t-il ? S'il existe, qui et quel est-il ? Fait-il même partie - et, si oui, dans quelle mesure - des amalgames si divers que les hommes enfant ?" Jean GUITTON écrit dans "le travail intellectuel" : "// est rare d'avoir, au milieu de sa vie, un temps de vacance et de vide qui permette de revoir longuement la première étape, pour la juger sous le regard d'un esprit mûr et pour recommencer ses études à l'alphabet. " Ce que j'ai fait, me retranchant en moi-même. Et j'ai repris ma Bible, ce livre exceptionnel. Et je ne l'ai pas reconnue. Mon Dieu, qu'elle m'a paru simple ! Incroyablement simple ! Je fus surpris par les révélations que j'en tirais et dont l'importance m'imposa d'en laisser la trace, comme un message, si ce n'est comme un testament spirituel. J'ai alors rédigé, méticuleusement, la reprenant presque paragraphe par paragraphe, un premier livre intitulé "La Bible à l'aube de l'ère du Verseau". Dès la présentation du manuscrit, un de nos grands éditeurs fut emballé car il l'accepta avec une rapidité qui me surprit. En juillet 1994, il décida de le présenter, un jeudi, sur TF1, en grande audience. Tout était prévu. Or, le veille, le mercredi soir, on m'informait que cette présentation était annulée... Puis, je n'ai plus eu connaissance de la moindre publicité. Un silence bizarre de cet éditeur dura plus de deux ans. En octobre 1996, il m'écrivait : Nous vous informons que nous en arrêtons la commercialisation. Le livre serait, paraît-il, dangereux, du moins par une certaine secte, la plus puissante, qui fit tant de mal pendant des millénaires, celle "des bien-pensants". Je n'en fus pas surpris, j'en fus même heureux, car cela en prouvait la valeur et le sérieux. J'en prépare une nouvelle édition que, bien entendu, je rédige et diffuserais sans aucun intermédiaire. Puis, je me souvins - car il faut savoir se souvenir - d'un poète, un vétéran, qui avait soutenu mon enthousiasme de jeune poète idéaliste encore étudiant : Marcel CHABOT qui, né en 1889, avait dirigé, de 1929 à 1939, la revue vers libriste "La Proue" puis s'était exilé, au début de la guerre, dans 4 4
le léthé provincial de LA ROCHE SUR YON où il est décédé en 1973... Or, malgré l'importance de ses activités comme chef de file d'une poésie en ébullition, malgré ses œuvres accueillies, en leur temps, avec des éloges plus que flatteurs, malgré sa longue vie exemplaire, je m'aperçus, après bien des recherches, qu'aucune étude sur l'évolution de la poésie au XXème siècle n'en parlait. En septembre 1984, je pris donc mon bâton de pèlerin pour une longue enquête en Vendée ainsi qu'auprès de nombreux poètes alors "en vue" et qui l'avaient connu et je fus conforté dans ma première impression : les auteurs qui écrivirent l'histoire de la Poésie française, le firent après la dernière guerre et l'ont oublié. Que le poète, en lui-même le soit, cela se pardonne ; le chef de l'école poétique "La Proue", de 1929 à 1939, ne doit pas l'être quoi qu'en disent les exégètes fautifs, bien involontairement, je le conçois : il a trop écrit, trop agi, pour qu'on l'efface de nos mémoires. C'est pourquoi j'ai rédigé sa biographie et lutté, depuis, pour le rappeler à notre souvenir, étant, pour ce faire, sur l'autorisation expresse de son épouse que j'ai rencontrée, lors de mon périple, en 1984, dépositaire du stock restant de ses œuvres. Pendant ce temps, je recevais de nombreux recueils et revues de poésie. Et les lisais. Et, plus je les parcourais, plus je constatais qu'un de nos devoirs les plus importants, à nous les anciens, consistait à inculquer dans l'esprit de nos jeunes poètes - je ne parle pas de l'âge - la nécessité d'une connaissance de plus en plus approfondie des possibilités que leur offre "la technique" de notre magnifique langue française, technique qu'il leur est possible de trouver dans les règles de la prosodie classique élaborée par leurs aînés ainsi que dans celles de la stylistique, notre langue française étant riche, riche et mélodieuse, possédant, par les mots, les images et les sons, une gamme merveilleuse modulable à l'infini. Encore faut-il la connaître. N'oublions pas que, si l'inspiration puise dans le subconscient, elle ne peut y prendre que ce qui s'y trouve, mémoire atavique comprise. Chacun se doit de l'y aider. La poésie ? Un état d'âme mis par écrit. Or, justement, que de poèmes se révèlent incapables d'exprimer l'état d'âme de leur auteur à cause d'erreurs parfois imperceptibles, dans la perfection de leur composition et de leur style. Il ne peut y avoir - à part quelques génies exceptionnels... mais qui peut s'en vanter ? - de bons poètes parmi ceux qui ne savent pas écrire. Ils auront d'autant plus de chance d'être excellents qu'ils seront plus instruits. J'ai donc rédigé ce traité de prosodie qui, lors de sa parution, fut accueilli avec des éloges qui me surprirent. H. Heinemann écrivait dans "le Cerf Volant" : Si je voulais taquiner l'auteur, je dirais qu'il n'y manque pas un bouton de guêtre. Il en manque, je le sais et, quoi que l'on écrive, il en manquera toujours. Il m'a été reproché, par exemple, d'avoir omis, parmi les formes fixes, le trivers, le ghazel, la schaltinienne, la gemme, pour ne citer que celles-là. Je n'ai conservé que les principales mais en essayant d'être complet et précis tout en restant clair. Pourquoi vouloir tout embrouiller d'un fouillis souvent inutile et cause d'imbroglios qui dépriment et ne se lisent plus ? H. Heinemann continuait : Je le recommande donc vivement à tous ceux qu'intéressent les explications de texte, l'analyse de la poésie écrite par nos grands auteurs - au sens noble du terme - de la langue 5 5
française car, en prose même, importent la musique des mots et l'harmonie, voire les heurts, des sons. J'estime ce traité, dont m'enchante plus particulièrement la troisième partie consacrée à la stylistique. Gil Roc écrivait dans "l'Écho du CDA" : Cet ouvrage rare, nous l'avons enfin en main... un outil de valeur, bien documenté, appuyé sur des exemples bien choisis, d'une précision remarquable... ouvrage clair, où l'auteur, démuni d'oeillères, s'adresse aux poètes de tous genres. Et Éric Debarbieux, dans "l'Éducateur" : Voici un petit manuel bien commode pour habiller sa muse. En feuilletant certaines archives, j'ai relu, par hasard, ces critiques et c'est cette lecture qui m'a persuadé de l'utilité de cette réédition. Puisse-t-elle réellement atteindre son but et procurer au lecteur le soutien, le réconfort et la joie que je voudrais lui offrir... Ce livre, disons plutôt ce manuel, le voici. Il est appelé à être très souvent consulté. J'ai donc recherché la formule la plus pratique. Je pense l'avoir trouvée par ce format classique A4 que vous pouvez facilement relier avec un des nombreux classeurs existant sur le marché ou, plus simplement, avec une simple attache parisienne placée à l'angle supérieur gauche de la liasse. Le transfert par Internet du fichier correspondant ne pose aucun problème et donne un résultat parfait ainsi que vous pouvez le constater. La Poésie ? Une pierre merveilleuse aux multiples facettes qui se côtoient sans se voir, parfois s'opposent, souvent s'ignorent mais se complètent pour qu'elle brille. Cette pierre merveilleuse, que vous soyez poète en herbe ou poète chevronné, apprenez à la ciseler puis, sur les nefs, sages ou folles, de vos rêves, voguez, face à l'avenir, toutes voiles au vent. Les règles ne sont pas des barrières, ce sont des rampes souples qui nous guident vers la perfection. G.S. Les vers classiques sont les gammes des poètes. Marcel Chabot Poètes, frères de lumières, Engouffrons notre amour au cœur de chaque mot. Marcel Chabot- La Proue mars 1934. 6 6
LIMINAIRE Qu'on le dise ou qu'on le taise, la réalité nous le clame chaque jour, à chaque ligne : notre siècle troublé se désespère ; la culture et, en particulier, la poésie de nos pères se meurt et la nouvelle - les nouvelles - nous les connaissons mal. Il me semble donc utile, dès l'abord, d'essayer de définir les termes utilisés dans la confusion la plus totale pour désigner les différentes tendances poétiques actuelles. Deux classes de base sont évidentes : la poésie classique et la poésie libérée, ce terme se comprenant aisément : les poètes modernes "se libèrent" en effet plus ou moins des chaînes imposées par le rigorisme classique. Le terme "poésie libre", lui, est souvent utilisé à tort au lieu et place de "poésie libérée". C'est une erreur. Il faut reconnaître qu'il a été longtemps difficile de définir le vers moderne depuis que Gustave Kahn en est passé pour l'inventeur et que, dès cette époque, les poètes l'appelèrent à tort "vers libre". En effet, la poésie libre n'est qu'une sous-classe de la poésie classique. Le poète qui écrit en vers libres est un poète classique qui, simplement, ne respecte pas l'enchaînement des types de vers tel que cela est régi habituellement dans la composition des poèmes, des strophes et des stances classiques. Ainsi, et cela éclaire facilement ce sujet, La Fontaine a écrit la plupart de ses fables en vers libres. Ses vers se suivent mais, parfois, ne se ressemblent pas... Pourtant chaque vers, en lui-même, demeure parfaitement classique. C'est promettre beaucoup ; mais qu'en sort-il souvent ? 12 Du vent 2 La raison les offense ; ils se mettent en tête 12 Que tout est né pour eux, quadrupèdes et gens, 12 Et serpents. 3 Si quelqu 'un desserre les dents 8 C'est un sot, j'en conviens ; mais que faut-il donc faire ? 12 Parler de loin ou bien se taire ? 8 (La Fontaine) Dans cet ouvrage, nous utiliserons toujours le terme "libérée". Si nous voulions être précis dans le classement des différentes tendances "libérées", nous devrions les scinder en une multitude de ramifications sans, pour cela, réussir à en cerner réellement la réalité. Nous nous en tiendrons donc uniquement à trois classes principales : La poésie néo-classique", "libérée conservatrice" et "libérée ultra". 1°/ La poésie néo-classique, tout en conservant l'apparence d'une poésie classique, ne respecte pas intégralement les règles classiques avec, par exemple : - acceptation, surtout dans le sonnet, du hiatus ; - acceptation de la rime pour l'oreille seule sans distinction des masculins et des féminins ni des singuliers et des pluriels ; - non respect des diérèses. Ex : diamant pour deux syllabes alors qu'en classique, il faut lire di-a- mant ; - non respect de la césure à l'hémistiche dans l'alexandrin, le trimètre 4 + 4 + 4 pouvant être considéré comme classique. - compte non tenu de l'e muet ce qui aboutit à des alexandrins de treize pieds ou plus. En classique, le "e" muet, à la fin d'un mot, doit être élidé par le mot suivant qui doit alors commencer par une voyelle ou un "h" non aspiré, sinon ce "e muet" compte pour une syllabe. 7 7
On pourrait dire que le poème "néo-classique" est un poème "modérément" libéré. 2°/ La poésie libérée "conservatrice" est une poésie qui n'a plus l'apparence, à l'oeil, d'une poésie classique mais qui en conserve, consciemment ou inconsciemment, les éléments de base. Ceci concerne la majorité des poètes modernes dont la lecture reste mélodieuse et facilement compréhensible. Instinctivement, on y retrouve les rythmes et les mélodies classiques. Relisez-les. Non seulement vous y découvrirez de magnifiques alexandrins mais, en regroupant les vers, vous vous apercevrez, compte tenu des syllabes atones que l'on ne prononce pratiquement pas et que l'oreille ne perçoit pour ainsi dire pas (Ex : comme. Qui prononce commeu ? et non comm' ?), que vous vous trouvez, en pratique, en présence d'octosyllabes, de décasyllabes ou d'alexandrins. Amour des fantaisies permises 8 Du soleil Des citrons Du mimosas léger 12 Clarté des moyens employés 8 Votre claire Patience Et vase à transpercer 12 Du soleil, des citrons, du mimosas léger 12 (Éluard) Le ciel est plein de larmes 6 ... De larmes Qui consolent 6 Le coeur altéré de la terre 6 Le vent, les poings cloutés, farouchement se rue 12 Se rue Contre les murs 6 Creuse, râpe, racle la rue 8 Fait grincer les eaux des grands aulnes blancs 10 (Marcel Chabot) L'arbitraire des règles est alors mort mais ce qui reste est vivant et d'autant plus vivant que cet arbitraire est mort. N'avez-vous pas remarqué que "la chute" de ces poèmes est fréquemment de forme classique pure et même de rythme pair ? 3°/ La poésie libérée "ultra", elle, ne respecte absolument plus ni la forme ni le fond de la moindre règle classique. Elle n'obéit, anarchiquement, qu'à celles du poète avec tous les excès que cela peut comporter, avec, parfois, pourtant, on ne peut l'ignorer, des réussites extraordinaires mais, malheureusement, fort rares... La poésie "libérée ultra" cherche son génie. Ce sera l'apothéose de la poésie lorsqu'elle l'aura trouvé. Je me sens obligé de reprendre ce que j'écrivais dans le liminaire du numéro 3 de la revue "La Nouvelle Proue" : "La poésie moderne, libérée, c'est, pour le poète, la liberté d'utiliser à sa seule convenance, pour exprimer ce qu'il ressent, les possibilités infinies de la langue française qu'il peut trouver condensées, en partie, tout spécialement, dans les règles de notre prosodie.. "Poètes modernes, vous avez une chance énorme, celle d'être LIBRES, c'est à dire de n'être prisonniers d'aucuns carcans, tout en possédant la possibilité d'utiliser les matériaux que des 8
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| | | didier mordu(e)
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| Sujet: Re: Traité de Gilles Sorgel Mer 2 Fév - 16:48 | |
| siècles d'expérimentations et de réglementations ont accumulés. "N'oubliez pas la leçon que nous donne Marcel Chabot. Ses premiers vers furent classiques puis, lorsqu'il se sentit maître de sa technique, mais uniquement à ce moment, il évolua. Il se "libéra". Progressivement, sans excès. Même dans son dernier recueil publié à l'âge de 80 ans, vous trouveriez de magnifiques alexandrins et l'utilisation personnalisée des règles élaborées par des générations de classiques. "Bien entendu, les années ont passé et notre situation n'est plus exactement la même mais la leçon demeure inaltérée en son principe. "En poésie, comme dans le courant professionnel et familial de nos existences, on n'invente guère -ou si peu et rarement -, on utilise ce que d'autres ont déjà utilisé en le personnalisant et en l'améliorant. "L'inspiration ne donnera de chefs-d'œuvre que si elle s'infiltre dans un esprit préalablement préparé. Elle ne tirera du subconscient du poète que ce qu'elle y pourra trouver. "Elle ne fera jamais tout toute seule. Elle lui inspirera peut-être une idée, une image, un vers, un groupe de vers, mais il lui faudra toujours y ajouter au moins une goutte de sa sueur, quelque chose qui vienne de lui et donnera la dernière touche à un ensemble équilibré... ou gâchera tout. "Je ne peux mieux comparer l'inspiration qu'à cette semence de la parabole de l'Évangile (Luc 8/5) que le semeur sème et qui tombe, l'une le long du chemin, une autre sur le roc, une autre au milieu des épines, une autre enfin dans la bonne terre où elle pousse et fructifie en centuple. "Certains disent : "Je n'écris que pour mon plaisir. Pour moi. Que m'importent les autres /"Alors, pourquoi, dites-moi, pourquoi se font-ils publier et sont-ils si contents lorsqu'ils constatent que d'autres les lisent ? Et "le plaisir" ! Mais connaissez-vous une jouissance plus extatique que celle d'avoir créé "son poème", un poème qui soit parfaitement soi-même, qui vive de sa propre chair, de son propre sang, qui soit l'enfant que l'on rêvait d'enfanter, celui qui vous sort des tripes et tord les tripes des autres ? "D'autres fanfaronnent : "La liberté c'est l'abolition de toute servitude, or je suis libre, donc je rejette tout. " Quelle erreur ! Ceux-là n'ont plus que leur misérable ambition d'être humain limité qui va essayer, sans guide, d'escalader l'Olympe et qui n'arrivera tout juste, dans une vie si ridiculement courte, qu'à se déchirer en s'agrippant aux aspérités des premières pentes." Ne partageant pas mon point de vue ainsi exprimé, un poète moderne, Hervé Boccaren, m'écrivit : // est évident que toutes les règles créées depuis si longtemps ne l'ont pas été pour rien et ont contribué à transformer la poésie... Mais on peut supposer que chaque époque crée sa poésie telle qu'elle l'entend, telle qu'elle la conçoit ou même telle qu'elle le veut... Est-il nécessaire de maîtriser parfaitement les règles classiques pour accéder au cercle restreint des poètes qualifiés en poésie libre ? Ne peut-on pas voir, dans ce thème, la défense d'une cause perdue, comme le ferait un Don Quichotte partant en guerre contre des ennemis illusoires ? ... La poésie libre (Je dirais personnellement "libérée") est arrivée à maturité, elle n'a plus besoin de béquilles ou de tuteurs pour vivre, elle se nourrit de la résonnance pure des mots, elle jongle avec ceux-ci et maîtrise leur harmonie. Ce qui lui manque est comblé par la culture de façon à pouvoir écrire cette formule : Poésie libre = intuition + amour du beau (ou du mot) + culture. Voici ce qu'il m'écrivait. Et je suis entièrement d'accord. Le problème c'est que, dans cette formule, nombre de poètes modernes oublient "la culture". Or l'étude des règles codifiées, après bien des tâtonnements, par nos aînés, font partie de cette culture. Je ne dis pas, je n'ai jamais dit qu'elles faisaient "tout" mais qu'elles en faisaient partie et, reconnaissons-le, ainsi que le disent nos parlementaires, une partie majoritaire. 9 C'est pourquoi, à l'usage des poètes classiques, néo-classiques et libérés conservateurs mais pourquoi pas, parfois, à l'usage de certains ultras, nous avons décidé de rédiger ce traité de prosodie et non de versification car, si, en effet, la versification - l'art de composer des vers - est utile, elle est insuffisante. De la versification, il nous faut passer à la poésie. Nous avons donc "décortiqué" le plus en détail possible les règles de la prosodie classique en essayant d'être complet mais clair tout en évitant les "délayages" inutiles. Par contre, dans une deuxième partie, nous avons repris et complété chaque chapitre par un commentaire à l'usage de ceux qui se considèrent peu ou prou comme des "libérés". Une troisième et dernière partie traite de la technique, du rythme, de la puissance de l'idée, des images, des mots, des sons, avec un rappel des règles de style enseignées au collège et oubliées ensuite. 10 Tout cela sera, certes, bien imparfait mais l'idée est lancée, le processus amorcé ; d'autres, nous l'espérons, les reprendront en les améliorant. Place, auparavant, à nos aînés. La poésie, art suprême et complet, Peinture qui se meut et musique qui pense... Emile Deschamp L'art ne fait que des vers, le coeur seul est poète. André Chénier La poésie saisit l'homme par son humanité entière : idée pour l'esprit, image pour l'imagination et musique pour l'oreille. Lamartine La poésie est une pensée ornée. Est poétique une pensée ornée de rythme, d'harmonie et d'image. A. Laborier Tradens "Laprosodie nouvelle" La poésie, c'est l'enthousiasme cristallisé. Alfred de Vigny Un vrai poète est celui qui remue l'âme et l'attendrit. Voltaire Un poète - ne soyez pas choqué de mon propos - n'a pas fonction de ressentir l'âme poétique : ceci est une affaire privée. Il a pour fonction de la créer chez les autres. Paul Valéry "Poésie et pensée abstraite-1939" Une page bien écrite est celle dont on ne saurait enlever une syllabe sans fausser la mesure de la phrase. Toute ma vie, j'ai rêvé d'écrire : "le ciel est bleu", mais il n'y a rien déplus difficile. Pierre Louys Le poète doit voir les choses telles qu 'elles sont et les montrer aux autres telles que sans lui ils ne les verraient pas. La poésie se fixe à l'aide de mots, et l'écueil de la poésie c'est le mot. Il en suffit d'un seul pour tuer un beau poème. Il y a des auteurs qui écrivent avec la lumière, d'autres avec du sang, avec du feu, avec de la terre, avec de la boue, avec de la poudre de diamant, et enfin ceux qui écrivent avec de l'encre. Les malheureux, avec de l'encre, tout simplement. Pierre Reverdy Le Parnasse a contribué à faire de la poésie, sinon un métier, du moins un exercice, attrayant et, en somme, facile. A. Thibaudet La rime est l'hameçon qui me pêche l'idée. Victor Hugo Commentant les grands honneurs funèbres rendus à Paul Valéry, Claudel dit drôlement dans son journal que ce furent les funérailles solennelles du vers alexandrin. Mais il se trompe, parce que le vers alexandrin est ami de la mémoire. Je pourrais citer à l'infini des vers de Racine et der tous les romantiques français de Hugo à Musset et à Vigny, de Baudelaire à Verlaine. Aucun d'Eluard et des autres. Le vers libre est libre en ceci surtout qu'il s'évade librement de la mémoire, qu'il n'y reste pas. Je n'en ai jamais pu citer aucun, et de Claudel précisément, sans me référer au texte. François Mauriac 11 mais... Le 20ème siècle était dans ce qu'on appelle un moment difficile. Il muait. Des oiseaux étranges signalés à l'horizon y dessinaient d'incompréhensibles présages. Aragon "Traité de style" Sur l'art des vers. C'est en méditant votre thème que vous arriverez à le rendre vôtre. Mais gardez-vous de lui rester trop fidèle ! En poésie, il faut suivre la forme et non la pensée. Car c'est la forme qui est poésie, jamais la pensée. Paul Valéry Au dessus du cadran, qui est une glace où je me regarde, se serrent la mains, très ressemblants, crachés, l'inspiration et le style... qui donc prétendait l'autre jour qu'il fallait opter entre l'inspiration et le style ? ... La légende règne qu'il suffit d'apprendre le truc et qu'aussitôt des textes d'un grand intérêt poétique s'échappent de la plume de n'importe qui comme une diarrhée inépuisable. Sous prétexte qu 'il s'agit de surréalisme, le premier chien venu se croit autorisé à égaler ses petites cochonneries à la poésie véritable, ce qui est d'une commodité merveilleuse pour l'amour propre et la sotttise. Aragon "Traité de style" Ce que je me propose de démontrer, c'est que les maîtres du vers libre n'ont pas un instant renié la prosodie classique... De grands poètes se sont laissés portés par la vague du modernisme... à les entendre, ils pourfendent la prosodie ; mais, au fond d'eux-mêmes, convaincus de la sagesse d'une tradition huit fois séculaires, ils ont gardé tout l'essentiel et n'ont fait que déguiser les apparences. Paul Morier "Le rythme du vers libre symboliste - tome 1 " Tu mis le bonnet rouge aux classiques pâlis ; Le Nil, pour féconder, doit sortir de son lit ; Tu savais qu'imiter c'est trahir son modèle ; Tu bousculas Boileau pour lui rester fidèle ; Tu libéras le vers des anciens ronrons ; Pour te continuer, nous te dépasserons. Marcel Chabot "Dans l'ombre des chênes - à V. Hugo" Ce n'est qu'en devançant le présent qu'on le sauve. Tout ce qui fut ne fut qu 'en bousculant les heures Dont l'âme moisissait dans les vieilles demeures. ... L'homme ne sert son temps que lorsqu'il le conduit. Ne cherchons pas de vieux fantômes dans la nuit Et ne sculptons pas trop d'une main trop technique, Soyons des inspirés et non des mécaniques ; Répéter le passé c'est trahir son esprit ; Dans la cire du temps imprimons notre face : L'homme ne sert son temps que lorsqu 'il le dépasse. Marcel Chabot "Dans l'ombre des chênes" Notre terre est toute imbibée de l'eau souterraine des siècles. 12 Ah ! les eaux noires du passé qui rongent le coeur des fontaines ! Il nous faut retuer ce qui dans le passé fut la mort d'un peu d'avenir. Marcel Chabot "Les dieux qui sont en nous" Chantons sur lefluteau dont nous creusons le bois. Marcel Chabot "La Proue Mars 1934" Atone, Monotone, Prévu - "Bonjour... Amour" -Le poème sanglé dans les dogmes classiques - Mécaniques - - Monarchiques - Et tel qu 'au temps du roi on vivait sous Molière, N'est plus qu'un instrument primitif et barbare Qu'il nous faut affiner pour des fêtes plus rares. - N'enferme pas Pégase en des brancards. N'aligne pas tes vers comme des rangs de briques, Comme les vieux ifs noirs des Versailles classiques. Marcel Chabot "Les dieux qui sont en nous" Nous en avons assez des aligneurs de mots Bien taillés au cordeau, Rognés, parqués, Empaquetés En petits carrés bien étiquetés. Nous en avons assez de ces vers ennuyeux Qui s'en vont deux par deux Sans amour et sans joie, Scandés comme le pas de l'oie. Nous en avons assez de tous ces mots sans ailes Qui débitent des manivelles Qui moulent sans fin De très vieux refrains Dont on n'a plus faim. Fuyons les vers brimés, rythmés à coups de gong, Laminés par les lois de l'antique technique : Soyons des inspirés et non des mécaniques. Un poème n'est pas un jeu de mots croisés Qui fait de la pensée un papillon blessé Cloué sur un bouchon... Marcel Chabot "La Proue Mars 1934" - Poètes, frères de lumières, engouffrons notre amour au coeur de chaque mot ; 13 que chaque vers soit sentiment, couleur, idée, et, familier et raffiné, chant populaire et symphonie - toute la vie. Sous les poings durs du sort qui nous broie et nous raille, redressons-nous toujours au-dessus de nos tailles. Debout à la proue du destin, dans le grand coeur universel, nous ailerons la vie avec nos propres ailes, nous serons les anges rebelles. - collant au sol et soulevée par l'espoir infini des sèves la poésie est le visage émerveillé du rêve. Marcel Chabot "La Proue Mars 1934" 14 | |
| | | didier mordu(e)
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| Sujet: Re: Traité de Gilles Sorgel Mer 2 Fév - 16:49 | |
| PREMIÈRE PARTIE ETUDES DES LOIS CLASSIQUE 15 CHAPITRE 1er VERSIFICATION La versification est l'ensemble des procédés que le poète emploie pour s'exprimer en vers. C'est l'art de composer des vers. Disons : "la technique" pour composer des vers car la versification, en elle-même, n'est pas un art. Seule la poésie l'est. Le versificateur consciencieux fera peut-être partie de la cohorte des poètes mais, s'il n'a pas le don, il ne sera jamais qu'un versificateur. Pas un artiste. Par contre, celui qui a eu la chance de recevoir et de posséder en lui ce don, ne sera un artiste parfait que s'il connaît parfaitement son "métier". Alors, guidé par son inspiration, il pourra s'acheminer vers "l'idéal" qu'est la poésie en son absolu. L'ensemble de ces techniques est codifié dans ce qu'on appelle les règles de la prosodie classique. Marmontel écrit : La versification est une mosaïque dont il faut remplir le dessin. Les pièces en sont toutes dans la prose ; il s'agit de les découvrir, de les choisir, de les mettre à leur place, de les adapter de manière que chacune d'elles porte une nuance au tableau ; et que tout l'ensemble, sans laisser aucun vide, sans se gêner, sans déborder l'espace qui lui est prescrit, forme un tout dans lequel l'industrie et le travail se dérobent aux yeux. Trois éléments principaux sont à considérer dans le vers : 1°/ Le nombre C1) c'est à dire la quantité de syllabes phoniques, brèves ou longues, sur laquelle repose le vers pour déterminer son rythme. 2°/ La césure ou "coupure" du vers à la suite d'un accent. En principe, elle est placée au milieu du vers ou à la fin de la première partie si le vers est composé de deux parties inégales. Elle détermine également les autres accents intérieurs secondaires. Bien remarquer qu'elle suit immédiatement une syllabe accentuée à l'exclusion de toute autre. C'est elle qui établit le rythme du vers. 3°/ La rime c'est à dire T'homophonie ou la similitude de son, en fin de deux ou plusieurs vers, qui donne à l'accent final le relief nécessaire pour le distinguer des autres accents ce qui crée un écho distinctif. Les dieux eux-mêmes meurent Mais les vers souverains demeurent Plus fort que les airains. Théophile Gauthier (!) J'emploie ce terme par esprit de clarté et de simplicité, la notion de "nombre" étant fort complexe. Pour de nombreux auteurs, le NOMBRE est la répartition des sons, des accents, brèves et longues, des groupes phoniques visant à donner au vers (à la phrase en général), rythme, mélodie et expressivité. 16 CHAPITRE 2 " E MUET " et " HIATUS " 1°/ E MUET : L'e muet occupe une place de premier plan dans la versification française car on le rencontre constamment. Il en constitue le charme principal car il flatte l'oreille d'une vibration douce et harmonieuse. Voltaire écrivait : Vous nous reprochez nos "e muets" comme un son triste et court qui expire dans notre bouche. Mais c'est précisément dans ces "e muets" que consiste la grande harmonie de notre prose et de nos vers. Empire, couronne, diadème, victoire, toutes ces désinences heureuses laissent dans l'oreille un son qui subsiste encore après le mot prononcé, comme un clavecin qui résonne quand les doigts ne frappent plus les touches. Il constitue, malheureusement aussi, la cause principale des fautes de versification commises par les poètes novices car l'e muet à la fin d'un mot et à l'intérieur du vers, doit être "élidé" par le mot suivant qui doit alors commencer par une voyelle ou un "h" non aspiré sinon il compte pour une syllabe pleine. Ex : La vi(e), heureus(e) ou trist(e), est bell(e) ; accepte-la. F. Gregh Si nous écrivions : La vie serait-elle belle ? Frères, Vacceptez-vous ? Ce semblant de vers compterait quinze syllabes car "vie", "elle" et "belle" compteraient pour deux. Ce ne serait plus un alexandrin. Ainsi, L'ÉLISION qui corrige la monotonie trop grande de l'e muet, est le retranchement et l'annulation de cet e muet à la fin d'un mot lorsqu'il est suivi d'un autre mot commençant par un voyelle ou un "h" non aspiré. L'élision est indispensable à la fin du premier hémistiche de l'alexandrin. Elle est obligatoire si l'e final est précédé d'une voyelle simple ou composée ainsi que dans les mots terminés par aie, ée, ie, oie, oue, ouie, ue, uie. Si ces mots ne sont pas élidés, ils ne peuvent figurer qu'à la fin du vers. Si ces mots sont au pluriel et ne peuvent, de ce fait, être élidés, ils ne peuvent figurer qu'à la fin du vers. De même les terminaisons ées, ies, ues, oues, eues. Par contre, l'e muet situé à l'intérieur d'un mot, s'il est précédé d'une voyelle qui l'absorbe, ne compte pas. Il est considéré comme allongeant seulement la voyelle ou le diphtongue qui le précède, (gaie/té, dé/voue/ment). Je me dévouerai donc s'il le faut ; mais je pense... La Fontaine En ce qui concerne les terminaisons des verbes en "ent", les règles sont plus complexes : 1°/ l'ent des verbes à l'imparfait et au conditionnel ne compte pas. é/taient = deux syllabes. Cet ent ne compte pas à l'intérieur du vers. 27 Quelques verbes, au présent, suivent la même règle. Ex : fuir - ils fuient, croire - ils croient. Pour comprendre, il faut remarquer qu'il s'agit d'un pluriel produisant à la première personne 17 du singulier une rime masculine. - ils fuient -je fuis. 3°/ Par contre, au subjonctif, c'est le contraire. Ex : Qu'ils fuient ne peut figurer qu'en fin de vers car le ent compte. En effet, à la première personne du singulier, nous obtenons une rime féminine (e final) : Que je fuie. 4°/ Ainsi, au subjonctif, pour "soient" le ent ne compte pas. Ce mot peut figurer à l'intérieur d'un vers. Au singulier : que je sois (rime masculine) 5°/ Dans le même ordre d'idée, aient (subjonctif du verbe avoir) ne peut figurer qu'en fin de vers car le ent compte. Au singulier : que j'aie. Une règle simple pou r ne pas se tromper : si, à la première personne du singulier, le verbe forme une rime masculine, il peut, à la troisième personne du pluriel, figurer à l'intérieur d'un vers, le ent ne compte pas. Par contre, si, à la première personne du singulier, il forme une rime féminine, l'ent compte et, de ce fait, il ne peut figurer qu'en fin de vers. En corollaire de cette règle ; aient (subjonctif du verbe avoir), par exemple, ne peut rimer avec les sons "aient" de l'imparfait du subjonctif, l'un étant considéré comme rime féminine, les autres comme rimes masculines. 2°/ HIATUS Gardez qu 'une voyelle à courir trop hâtée Ne soit d'une voyelle en son chemin heurtée. Boileau (Artpoétique - chant IV. 107.108) Lorsqu'une voyelle finale se trouve devant un mot commençant par une voyelle alors qu'il ne peut y avoir élision, il y a "hiatus". Il y a également "hiatus" lorsque la finale d'un mot se heurte avec une syllabe identique commençant le mot suivant. Ex : Nous serons chacun un... Le mot "hiatus" est un mot latin qui veut dire : "entrebâillement", "ouverture". En effet, lorsque deux voyelles se suivent sans qu'il y ait élision, la bouche reste ouverte et le résultat sonne désagréablement. Prononcez : II a porté la lettre à la poste puis : II a à aller à la poste... L'hiatus est permis dans le corps des mots et entre les vers. En classique pur, il est interdit entre les mots. Le sonnet, de toute façon, ne l'admet pas. "Et" doit toujours être suivi d'une consonne car il n'y a pas de liaison possible. Il existe quatre exceptions admises de tous temps. 1°/ Quand il y a élision : Je lui vou(e) au désert de nouveaux sacrifices. (La Fontaine) 2°/ Avec l'h aspiré 3°/ Après les interjections : Ah ! eh ! oh ! 4°/ Devant "oui" et "ouate", les premières lettres étant considérés comme l'équivalent du W anglais. 18 CHAPITRE 3 DIÉRÈSE Le principe élémentaire du vers, c'est "le nombre" ou "la quantité". Certains vers, tel le vers latin sur lequel beaucoup de nous ont peiné dans leur jeunesse, reposent sur la quantité de syllabes brèves ou longues qui déterminent son rythme et qu'on appelle "pieds". Chaque "pied" a, dans ce cas, plusieurs syllabes longues ou brèves avec, alors, des temps forts et des temps faibles. On appelle ce vers le vers métrique. Le vers français, lui, comme le vers italien ou espagnol, ne se base plus sur l'accent tonique qui est variable mais sur le nombre des syllabes. Le vers français est appelé vers syllabique. Il doit pouvoir se mesurer par le nombre des syllables qui le composent. D'où l'importance de la "diérèse" qui permet de savoir si les deux voyelles formant une diphtongue se prononcent en une ou deux syllabes. Le petit Larousse illustré nous dit : "Diérèse (du grec diairesis = division). Dans la prononciation d'une diphtongue, dissociation de celle-ci en ses éléments constitutifs". Note : A opposer à la "synérèse" (du grec sunairesis = rapprochement) qui est la fusion en une seule syllabe des différentes voyelles composant une diphtongue. Il ressort de ceci que le mot "pied" ne peut être employé dans le cas de notre poésie française. Un alexandrin ne se compose pas de 12 pieds mais de 12 syllabes. 19 La réglementation classique des diérèses étant fort complexe, nous allons utiliser, pour les exposer, le cadre d'un tableau établi par Martin Saint René et repris par Hermine Venot-Focké dans "Poète prends ton luth" (Arcam). | |
| | | didier mordu(e)
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| Sujet: Re: Traité de Gilles Sorgel Mer 2 Fév - 16:55 | |
| Diphton- Nombre gues de syllabes cas 2 Dans la majorité des mots (di-a-mant, con-fi-a, fi-li-al) ia 1 Exceptionnellement dans diacre, fiacre, diable. 1 Dans les mots où elle s'écrit ya (im-pa-ya-ble) 1 ou 2 Dans liard, miasme, yatagan. 2 Dans les verbes en ier de la première conjugaison à l'infinitif, à la deuxième personne du pluriel du présent de l'indicatif, de l'impératif et au participe passé : co-lo-ri-er, ri-ez, co-lo-ri-ez... 2 A la deuxième personne du pluriel de l'imparfait des verbes en i-er, en er quand l'er est précédé de deux consonnes différentes : Pu-bli-ez, con-tem-pli-ez... 2 A la deuxième personne du pluriel du conditionnel des verbes lorsque l'i-ez est précédé de deux consonnes différentes : îe Re-ce-vri-ez, mor-dri-ez 2 Dans tous les mots où elle est précédée de deux consonnes différentes Ta-bli-er, en-cri-er 2 Dans tous les mots en i-é-té: So-bri-é-té... 1 Dans tous les autres mots si elle est précédée d'une seule consonne ou de deux consonnes semblables : Her-bier, ta-pi-ssier... 1 A la deuxième personne du pluriel du conditionnel des verbes où l'iez est précédé d'une seule consonne ou de deux consonnes semblables : Prie-riez, Pou-rriez... 1 A la deuxième personne du pluriel de l'imparfait de tous les verbes autres qu'en i-er et des verbes en er quand l'er est précédé d'une seule consonne ou de deux consonnes semblables : Pre-niez, Laissiez... 1 Dans tous les mots où elle s'écrit en yé No-yer, ap-pu-yé iè 2 A la première personne du singulier du passé simple des verbes en ier de la première conjugaison. 2 Dans les mots où l'e ne porte pas d'accent : • • îai (iesse, iel, iet, ief) + iaire Har-di-esse, es-sen-ti-el, in-qui-et, gri-ef, hi-er, no-bi-li-ai-re... Diphton¬gues Nombre de syllabes cas ie • • îai iai 1 1 Iou2 1 2 1 2 1 et 2 Exceptions : ciel, fiel, miel, bielle, nielle, vielle, relief, fief, avant-hier, chienne, pierre, lierre, fier, vieil, miette, assiette, bréviaire, concierge, vierge. Dans tous les mots formant le féminin de la diphtongue ien lorsqu'elle est, elle-même, comptée pour une syllabe : An-cienne, pa-ienne, mienne... Facultativement dans biais et biaiser. Dans les mots où elle s'écrit iè (avec l'accent) Siè-ge, fiè-vre, piè-ce Sauf dans les mots où elle est précédée de deux consonnes différentes. Priè-re, meur-tri-ère Dans les mots où elle s'écrit yé No-yèrent Exceptions : hv-ène, v-èble ou hi-èble "hier" autrefois s'employait en une seule syllabe. Depuis Boileau, il en compte deux : "hi-er" sauf avant-hier qui s'est maintenu avec une seule syllabe. io iau 2 1 1 2 Bri-o-che, mi-au-ler... Exceptions: fiole, pioche, mioche, kiosque. Dans tous les mots où elle s'écrit yo ou yau Jo-yau, lo-yau-té Exceptions : mv-ope, mv-osotis, électrv-omancie iu 2 1 1 Dans les mots où elle est précédée d'une consonne : Si-ri-us, di-urne Dans les mots où elle est précédée d'une voyelle : La-ius, ca-ius Dans les mots où elle s'écrit yu Ray-ure oa 2 1 Bo-a, co-asser, cro-asser Sauf : roan-ne oé oè 2 1 Po-é-sie, é-vo-hé, no-e'l Sauf quand elle a le son oî : Poê-le, moe-lle, moe-Ileux... Diphton¬gues Nombre de syllabes cas oi 1 Toi, roi, voi-là ... ué uè 2 1 1 ou 2 1 2 Dans tous les mots : Tu-er, su-er... Sauf duè-gne Facultativement dans duel Dans tous les mots: sauf les mots en uité : ui 1 2 2 Dans tous les mots : Sauf les mots en uité : an-nu-ité, é-bru-iter... Exceptions : bru-ire et sa conjugaison, bru-issement, Bru-ine, bru-iner, ru-ine, ru-iner, ru-ineux, dru-ide, su-icide. ieu 1 2 1 2 Lieu-tenant, essieu, pieu (pièce de bois) Dans les noms ou adjectifs qui au singulier prennent un x ou sont suivis d'une consonne : Pi-eux (qui a de la piété) Su-pé-ri-eur, St Bri-eux Exceptionnellement dans mieux, vieux, cieux, mes -sieurs. Dans y-euse. oua 2 1 Iou2 Sou-abe, lou-a ... Exceptions : doua-ne Facultativement dans zouave, ouate, gouano, fouaille. oué ouè 2 1 ou2 Jou-et, clou-ais, prou-esse... Facultativement dans fouet, fouetter, ouest, ouais. oui 2 1 Ou-ir, jou-ir... Sauf oui (affirmation) ian ien même son 2 1 1 0-ri-ent, ri-ant... Exceptions : viande, diancre, fa-ïence Dans les mots où elle s'écrit yan ou yen. Fu-yant, Ma-yence... ien 1 An-cien, pa-ien, bien, combien, mien, tien, sien, rien, chien, gar-dien, plé-bé-ien, vau-rien, pa-rois- sien, en-tre-tien, main-tien, sou-tien, bis-ca-ien, fau-bou-rien, A-miens, Sé-bas-tien Ainsi que dans les verbes comme tiens, vient... Diphton¬gues Nombre de syllabes cas ien 2 2 1 Sauf li-en Si elle termine un nom ou un adjectif d'état, de profession, de pays : In-di-en, co-mé-di-en, pa-ri-si-en ... Sauf chrétien ion 1 1 2 1 2 A la première personne du pluriel du conditionnel lorsqu'elle est précédée d'une consonne ou de deux consonnes semblables : Li-rîons~ pour-rions A la première personne du pluriel de l'imparfait des verbes lorsqu'il n'y a pas devant un r ou un 1 précédé d'une autre consonne, les consonnes "ri" allant ensemble : Ai-mions, sa-vions, par-lions Autrement : Pro-met-tri-ons, sa-bli-ons, pu-bli-ons Lorsqu'elle s'écrit yon Ra-yon Saufly-on oin 1 Loin uin ouin 1 Suin-ter Mar-souin uan uen 2 1 Si-nu-ant, in-flu-ant, af-flu-ent Sauf Don Juan Un conseil Si vous hésitez, rendez-vous à la bibliothèque la plus proche et consultez le dictionnaire LITTRÉ en quatre volumes. Pour la plupart des mots, les synérèses ou diérèses y sont indiqués. | |
| | | didier mordu(e)
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| Sujet: Re: Traité de Gilles Sorgel Mer 2 Fév - 17:03 | |
| CHAPITRE 4 LA RIME La rime est l'exacte similitude phonique, l'uniformité de son dans les syllabes qui terminent deux ou plusieurs vers. La rime, par sa sonorité, complète l'harmonie du vers et sa musicalité, certes, mais son rôle essentiel est de définir le vers qui ne se distingue pas en lui-même par les accents qui le composent contrairement au vers métrique. Ainsi, un vers syllabique n'atteindra sa beauté parfaite que s'il est doublé par un autre. Il est primordial, dès l'abord, d'établir une distinction très nette entre les rimes masculines et les rimes féminines. Tout simplement, sans entrer dans des considérations trop intellectuelles, on peut dire que : Une rime masculine est celle des mots dont la syllabe finale ne comprend pas d'e muet. Une rime féminine est celle des mots dont la syllabe finale comprend un e muet. Cela n'a donc rien à voir avec les mots masculins et féminins. C'est la syllabe finale qui est masculine ou féminine. Ainsi : le père forme une rime féminine la mort forme une rime masculine. La rime, avons-nous dit, est l'exacte similitude phonique, c'est à dire l'homophonie de la voyelle finale et des éléments sonores qui la suivent. Ainsi : "germe" et "cerne" ne riment pas. Bonté et ridé, tendu et voulu ne riment que médiocrement. Ce sont des rimes très faibles et rejetées. Une seule exception : lorsque les voyelles finales accentuées forment à elles seules la tonalité d'une syllabe. Ex : aléa, éloa, loua riment correctement. La rime n'est pas faite pour les yeux mais pour l'oreille. Ainsi ce qui compte c'est l'identité de son et non de l'orthographe. Sous réserve des règles étudiées plus loin au paragraphe "orthographe", les mots qui se prononcent de la même manière, même écrits autrement, riment l'un envers l'autre. RICHESSE DE LA RIME Beaucoup croient utiliser des rimes riches en se servant d'une consonne d'appui tel aimé et charmé, pendu et perdu. Or ces rimes sont banales et tout à fait ordinaires car, ainsi que nous l'avons défini : la rime est l'homophonie de la voyelle finale et des éléments sonores qui la suivent. Il y a, de ce fait, deux sortent de rimes : Les rimes suffisantes et les rimes riches. A) RIMES SUFFISANTES - Les rimes masculines sont suffisantes quand une consonne sonore suit la voyelle ou quand la dernière voyelle ou la dernière diphtongue forme avec ce qui la suit le même son, même si la consonne précédente n'est pas la même. Ex : débats et trépas, pareil et sommeil. 25 - elles ne seraient pas suffisantes si la dernière voyelle était seule excepté, comme précisé plus haut, quand la voyelle finale forme une syllabe à elle toute seule (aléa, éloa, loua). Ainsi, on ne peut pas faire rimer : sofa et inca, fleuri et ravi. Pour que les rimes, dans ce cas, soient valables, il faut une concordance dans l'intégralité de la dernière syllabe : Ex : alpha et sofa - inca et coca fleuri et chéri - ravi et suivi. Mais ces rimes ne sont toujours que suffisantes et non riches. - Les diphtongues qui ont, en elles-mêmes, un son plein (ai, ei, oi, au, eau, eu, ou, ui, ieu) ainsi que les voyelles nasales an, am, en, em, in, im, ain, ein, aim, ien, on, om, ion, un, oin, um) riment parfaitement même sans être précédées du même appuis. Ex : faisceau et roseau, enjeu et cheveu, envoi et convoi, genou et caillou - Les rimes féminines sont suffisantes quand les voyelles ou les diphtongues des deux dernières syllables rendent avec celle qui suit, le même son. Ex : carnage et courage, subtile et fragile, encore et aurore. Un contrôle facile : Supprimez le e muet. Si la rime masculine qui reste est bonne, la rime féminine l'est aussi. Ex : regard(e) et tard(e) Ainsi, année et domptée, saisie et ravie ne valent rien (voir supra rimes masculines), la dernière voyelle ne pouvant être isolée excepté si elle forme une syllabe à elle seule (aléa, aloa ...). Par contre, suivant le même principe, année rimerait avec menée, saisie avec choisie, ravie avec envie ... B) RIMES RICHES - Les rimes masculines deviennent riches quand elles offrent dans les syllabes correspondantes non seulement le même son mais la même articulation appuyée sur une consonne. Ex : calmant et ferment, tendu et confondu, tremblé et doublé - Les rimes féminines deviennent riches quand les deux syllabes qui les composent ont non seulement le même son mais la même articulation appuyée sur une même consonne. Ex : us_age et vis_age, mine et chaumine Si cette articulation s'appuie sur deux consonnes, la rime n'en est que meilleure. Ex : lambris et débris, naufrage et suffrage. Mais elle n'est plus que suffisante si une seule de ces deux consonne s'y trouve. Ex: : lamb/ris et mép/ris, naufrage et out/rage On peut également y ajouter la "sonorité" ce qui renforce encore la richesse de la rime en essayant toutefois d'éviter les excès car il ne faut surtout pas passer pour un jongleur. Qui ne se souvient de ces vers de Victor Hugo ? Gai, amant de la reine, alla, tour magnanime, Galamment de l'arène à la tour Magne, à Nîmes. Ces vers qui se prononcent de la même façon quoiqu'ils soient formés de mots différents sont appelés "vers holorimes". Ainsi, les vers suivants attribués à Théodore de Banville : 26 Dans ces meubles laqués, rideaux et dais moroses, Danse, aime, bleu laquais, ris d'oser des mots rosés... C) ORTHOGRAPHE Les rimes sont faites pour l'oreille et non pour l'orthographe. Pourtant elles sont sans valeur si elles ne sont pas terminées par la même lettre ou par une lettre équivalente. On ne peut faire rimer tympan avec répand, rangé et plonger, peiné et nez, sein et seing, banni et nid, cou et coup, cour et court... Si la lettre finale n'est pas la même, elle peut être acceptée s'il s'agit d'une lettre équivalente. Voici les équivalences admises : 17 c, g, k et q bouc et joug, franc et rang ... 27 dett flamand et aimant, sert et perd ... 37 fetph chef et Joseph ... 47 m et n faim et fin, parfum et embrun ... 57 s etx épris et prix, épais et paix ... 67 s et z passés et assez, fatigués et endiguez ... - A noter qu'il est permis d'associer des noms propres à des noms communs. Ex : Thabord et bord. En ce qui la consonne " r " qui ne se prononce pas, elle ne peut être associée à aucune autre. Ainsi, on ne peut faire rimer rochers et décrochés. De même, rocher et décroché. - Bien entendu, les mots qui s'écrivent de la même façon, mais se prononcent de façon différentes ne peuvent rimer ensemble. Ex : mer rime avec amer mais non avec aimer. - Par contre, si des mots s'écrivent de façon différente mais possèdent la même prononciation, la rime est admise sans contestation. Ainsi : dis-je et prodige, haletants et temps, providence et danse. - La consonne d'appui est infiniment plus importante que la consonne finale qu'on ne prononce pas. C'est pourquoi, dans ce cas, la règle des équivalences peut ne pas être appliquée. En effet, sang rime plus parfaitement avec blessant qu'avec rang ou flanc. - Enfin, les verbes à la troisième personne du pluriel, en ent, n'ont pas d'équivalence orthographique et ne peuvent rimer qu'avec eux-mêmes. Ex : murmurent avec promurent, mangèrent avec déjeunèrent. IL NE FAUT PAS ... - Faire rimer ensemble des mots ayant la même orthographe mais qui ne se prononcent pas de la même façon. Ex : couvent et couvent (du verbe couver) - convient et convient (des verbes convier et convenir) étaient et étaient (des verbes être et étayer, l'un étant considéré en termi¬naison masculine, l'autre en terminaison féminine, (cfr. chapitre élision). - Faire rimer ensemble des sons ouverts et des sons fermés. Certains grands auteurs l'ont fait mais c'était une erreur qui n'est pas permise. Ainsi : Un auteur à genoux, dans une humble préface Au lecteur qu'il ennuie a beau demander grâce. Boileau Pour bien comprendre, il faut distinguer les sons longs ou brefs (i, u, ou etc..) d'avec les sons 27 ouverts ou fermés (a, e, o etc.). Les sons longs ou brefs se ressemblent et peuvent se coupler alors que les sons ouverts ou fermés n'ont pas d'équivalence phonique et ne peuvent rimer ensemble. Ainsi : petite et site - tout et goût - recule et brûle riment ensemble. mais balle et râle - couronne et trône - prophète et fête ne peuvent rimer ensemble. IL NE FAUT PAS ... - Faire rimer ensemble deux syllabes terminées en er lorsque l'un a le son é fermé et l'autre le son è ouvert. Ex : prononcer et cancer - greffer et fer - tramer et mer Certains les ont utilisées. Elles furent appelées rimes provinciales ou rimes normandes certainement parce qu'en province, en Normandie surtout, la lettre "r" était fortement prononcée en fin de mot. - Faire rimer ensemble deux rimes masculines dont l'une possède une consonne sourde et l'autre une consonne sonore. Ex : Pallas et matelas - palmarès et succès Des dérogations sont admises mais uniquement lorsque l'une de ces finales est un nom propre. - Faire rimer ensemble des mots terminés par un "1" s'ils se prononcent dans l'un et non dans l'autre. Ex : fusil et profil - gentil et subtil La rime "il" sonore ne rime qu'avec elle-même au singulier comme au pluriel : Mais ce sujet zélé qui d'un oeil si subtil Sut de leur noir complot développer le fil. Racine Par contre "il" insonore ne rime qu'avec lui-même au singulier mais, au pluriel, il peut s'accoupler avec une rime privée du "1" : Jupiter leur parut avec ses noirs sourcils Qui font trembler les deux sur leurs pôles assis. La Fontaine Le mot "monsieur" peut rimer - mais uniquement dans le style familier - avec les mots en "eur" dont on prononce la lettre "r" comme, par exemple, erreur, douleur, douceur... IL NE FAUT PAS ... - Faire rimer un mot avec lui-même ni avec son composé ou son dérivé comme, par exemple, faillir et défaillir, voir et apercevoir, courtois et discourtois, amis et ennemis. Les termes associés à la rime ne doivent pas être identiques à l'esprit comme ils le sont à l'oreille. Exception en est faite lorsque le simple et le composé ou tous autres mots ayant même racine, sont employés dans un sens différent ou, du moins, assez éloignés pour qu'on ne s'aperçoive pas qu'ils ont même étymologie. Ainsi, on peut faire rimer accès et succès, déclin et enclin, flamme et oriflamme, front et affront, lustre et illustre, objet et sujet, promettre et permettre, soin et besoin, surprendre et entreprendre, temps et printemps etc.. Les accomodements ne font rien en ce point. Les affronts à l'honneur ne se réparent point. Corneille A tous ces beaux discours j'étais comme une pierre, 28 ou comme la statue est au "Festin de Pierre ". Boileau Dans ces quatre vers, les rimes sont parfaites car s'il y a similitude dans l'orthographe et le son, le sens en est tout différent. Bien entendu, dans certains cas bien particuliers, deux même mots peuvent rimer ensemble mais uniquement si cela est voulu pour parachever la beauté d'un vers. Ainsi... Sa voix disait : Eurydice ! Eurydice ! Et tout le fleuve au loin répétait "Eurydice !" Lebrun II est à noter que les homonymes terminés par une lettre identique ou équivalente donnent des rimes excellentes. Ex : coeur et choeur - auteur et hauteur ... IL FAUT ÉVITER ... - De composer la rime avec des monosyllabes et d'utiliser les monosyllabes n'importe comment dans un vers. Le monosyllabe à la rime ou dans un vers est souvent un écueil qui brise l'harmonie surtout avec des monosyllabes dénués d'accents tels : je - te - me - le - se - de - ne - que - etc.. C'est alors qu'intervient l'art du poète pour les utiliser à bon escient en les rendant agréables et musicaux. Fais le bien, suis les lois et ne crains pas les dieux. Voltaire Étant donné leur cas particulier, les monosyllabes riment entre eux et avec les polysyllabes sans avoir l'articulation normalement imposée. Par Ex : bas peut être associé non seulement à p_as mais également à débats, ébats, attentats, de même soi à toi etc. Par contre, les monosyllabes ne riment pas avec les polysyllabes s'ils n'ont pas la même consonnance. Ainsi, bien ne s'associe pas à sein mais à sien ; pieu ne s'associe pas à feu mais à lieu ; suis ne s'associe pas à dis mais à puis... Enfin, il est conseillé de faire soutenir par le mot précédent, la rime constituée par un monosyllabe. Ex : Langoureux rime avec par eux. Il rimera bien mieux avec pour eux" Attila rime avec elle a. Il rimera bien mieux avec il a. Écoutons Voltaire : La versification héroïque exige que les vers ne finissent point par des vers monosyllabes. L'harmonie en souffre : il pleut, il veut, il fait, il court sont des syllabes sèches et rudes ; il n'en est pas de même des féminines : il vole, il presse, il prie ; ces mots sont plus soutenus ; il ne valent qu 'une syllabe mais on sent qu 'il y en a deux qui forment une syllabe longue et harmonieuse. Ces petites finesses de l'art sont à peine connues mais n'en sont pas moins importantes. IL FAUT EVITER... 29 - De faire rimer l'hémistiche avec la rime finale. Le résultat en est toujours désagréable : Par une lâcheté qu 'on ne peut égaler L'ayant assassiné le fait encor parler. Corneille Le résultat est souvent identique lorsque la rime finale est répétée, dans le corps du vers, à une césure, sur une syllabe forte. De même quand la rime est reproduite à l'hémistiche de l'un ou des deux vers qui précèdent ou qui suivent : Appliqué sans relâche au soin de me punir. Au comble des douleurs tu m'as fait parvenir. Ta haine a pris plaisir à former ma misère ; J'étais né pour servir d'exemple à ta colère? Racine De même, il faut éviter que les hémistiches riment entre eux. L'oreille est trompée et l'harmonie rompue. Mais son emploi n'est pas d'aller dans une place, De mots sales et bas charmer la populace. Boileau La répétition de la rime à l'hémistiche ne peut être autorisée que si elle est voulue afin de produire un effet agréable et expressif : Et par ce grand portrait fini tous mes portraits. Boileau Percé de tant de coups, comment t'es-tu sauvé ? Tiens, tiens, voilà le coup que je t'ai réservé. Racine IL FAUT ÉVITER... - La même assonance entre les rimes masculines et féminines qui se suivent. Le résultat de cette répétition du même son est désagréable. De nombreux et grands poètes l'ont pourtant pratiquée. Ils ont eu tort. Cela n'a jamais été à leur avantage. Jamais Iphigénie, en Aulide immolée, N'a coûté tant de pleurs à la Grèce assemblée que, dans l'heureux spectacle à nos yeux étalé, En a fait sous son nom verser la Champmeslé. N'OUBLIEZ PAS cette règle très stricte de la prosodie classique : Un mot utilisé comme rime ne doit y réapparaître qu'après douze vers au minimum. IL FAUT ÉVITER ... - De rimer avec des épithètes. Ne pas confondre "l'épithète" et "l'adjectif'. L'adjectif est indispensable pour compléter un nom. Sans lui, le sens serait incomplet. L'épithète, elle, ajoute qualité, grâce et force mais elle pourrait être supprimée sans que la phrase perde son sens. Ex : Fuyez de ces auteurs l'abondance stérile Et ne vous chargez pas d'un détail inutile. 30 | |
| | | didier mordu(e)
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| Sujet: Re: Traité de Gilles Sorgel Mer 2 Fév - 17:04 | |
| Dans ces vers, stérile n'est pas indispensable. Supprimez la et la phrase gardera tout son sens. C'est une épithète. Inutile, par contre, est indispensable et ne peut être supprimé sans rendre la phrase inachevée. C'est un adjectif. L'épithète est toute grâce et, souvent, mélodie mais méfiez-vous-en comme de la peste. Ne les utilisez que si elles sont justes, expressives et musicales. De toute façon, ne les multipliez pas, elles sont trop l'apanage des versificateurs médiocres et sans inspiration. IL FAUT ÉVITER ... - De faire rimer un adverbe en "ment' avec un autre adverbe en "ment" excepté si cela vous semble, exceptionnellement, un "effet de l'art"... - De faire rimer un nom avec un nom un verbe avec un verbe un adjectif avec un adjectif. - ou, alors, s'arranger pour que les deux mots de même nature ne possèdent pas le même nombre de syllabes. - Enfin, il faut éviter les "rimes clichées" ou devenues par trop banales. Ex : campagne / montagne - larmes / alarmes - ombre / sombre époux /jaloux - amours / toujours etc. IL FAUT FAIRE PARTICULIÈREMENT ATTENTION... - Aux rimes en ant et ent. Bien qu'elles soient des sons pleins et suffisants en eux-mêmes, on doit, étant donné leur grand nombre, ne les faire rimer ensemble que si elles sont précédées des mêmes consonnes ou voyelles. Ainsi : Diamant avec firmament mais non avec dominant, insolent avec galant ou mieux encore avec affolant. - Aux terminaisons des verbes en ent. (Revoir à ce sujet le chapitre consacré à l'e muet). Rappelons la règle : Si, à la première personne du singulier, le verbe forme une rime masculine, il est considéré comme tel ; si, à la première personne du singulier, il forme une rime féminine, il l'est également. a/ A l'imparfait et au conditionnel ENT forme une rime masculine. Ex : étaient (j'étais) mangeraient (je mangerais) b/ Certains verbes, au présent, font de même et forment une rime masculine. Ex : fuient (je fuis) - rient (je ris) - voient (je vois) c/ Mais ces verbes, au subjonctif, forment une rime féminine. Ex: qu'ils fuient (que je fuie) - qu'ils rient (que je rie) d/ "Soient" (subjonctif du verbe être) donne une rime masculine (que je sois), e/ "Aient" (subjonctif du verbe avoir) donne une rime féminine (que j'aie). IL FAUT FAIRE PARTICULIÈREMENT ATTENTION... - Aux syllabes qui commencent par une voyelle et sont précédées d'une autre voyelle comme i-en, i- on, i-eux, i-ant... Il est conseillé de les faire précéder par des consonnes identiques et le même son. Ainsi : magicien rime avec historien mais il rimera beaucoup mieux avec ancien ou mieux 31 encore avec patricien-nation rime avec fanion mais rimera beaucoup mieux avec sédition ou mieux encore avec formation. D) SUCCESSION DES RIMES Une règle de base : L'alternance des rimes féminines et masculines. Deux séries de rimes féminines différentes ne peuvent se suivre sans être séparées par une rime masculine. De même, deux séries de rimes masculines différentes ne peuvent se suivre sans être séparées par une rime féminine. Avant de lire ce chapitre, imprégnez-vous de cette idée trop ignorée : le choix des rimes et de la succession des rimes est extrêmement important dès le début du poème suivant ce que désire exprimer le poète. Les rimes masculines et féminines ont des intonations très différentes et les rimes, par leurs sons, doivent être à l'unisson de ceux du vers qu'elles couronnent, l'ensemble devant s'adapter à ce que le poète ressent. 1/ Rimes suivies : appelées également rimes plates ou rimes jumelles. Elles se succèdent deux par deux : Le coeur qui se répand dans le sublime don D'un amour rayonnant à travers le pardon ; Tout le bien, tout le beau que l'homme peut connaître, Sans cesse jaillissait des sources de ton être. Marcel Chabot "à Jaurès" Elles sont utilisées dans l'épopée, la tragédie, la comédie, l'épître, le poème didactique, le discours et la satire. 2/ Rimes croisées ou altern ées : Les rimes masculines et féminines sont interverties.Les rimes masculines comme les rimes féminines sont séparées l'une de l'autre par un autre vers. Grelottant sous le froid qui le rouille et le mord, Par tous ses trous béants, il saigne, le village, Et dans l'ombre il n'est plus qu'une tête de mort Aux yeux vides, grinçant sous le vent et l'orage. Marcel Chabot Ces rimes ont été mises en vedette par les troubadours. Elles sont souvent utilisées dans la poésie lyrique. 3/ Rimes embrassées : Les rimes féminines sont enfermées entre deux rimes masculines et les rimes masculines entre deux rimes féminines. Dans la grande forêt frémissante des signes, Les symboles nourris de sensibilité Montrent du doigt les pics de l'idéalité, Ou, sur le lac d'amour, flottent comme des cygnes. Marcel Chabot 4/ Rimes mêlées : La succession est libre, étant bien entendu qu'il est toujours interdit de laisser se suivre deux rimes masculines ou féminines différentes. Nous voudrions leur transfuser de la jeunesse Ou ce qui nous en reste, et nous ne pouvons plus, 32 L'esprit dolent, le coeur battant, les bras tendus, Alors que chaque instant se hérisse et les blesse, Que leur voiler la vie avec notre tendressse. Marcel Chabot 5/ Rimes redoublées : Les rimes se succèdent, soit dans l'ordre croisé, soit dans l'ordre mêlé, se prolongeant dans un nombre plus ou moins grand de vers. Les superbes géants armés contre les dieux Ne nous donnent plus l'épouvante ; Ils sont ensevelis sous la masse pesante Des monts qu'ils entassaient pour attaquer les deux. Nous avons vu tomber leur chef audacieux Sous une montagne brûlante ; Jupiter l'a contraint de vomir à nos yeux Les restes enflammés de sa rage mourante : Jupiter est victorieux Et tout cède à l'effort de sa main foudroyante. Chantons dans ces aimables lieux Les douceurs d'une paix charmante. Quinault Cette rime peut être agréable mais les excès qui la rendent monotones et déplaisantes. CATÉGORIES DE RIMES PLUS OU MOINS ABANDONNÉES 1/ Rime annexée (répétée au commencement de chaque vers). Dieu gard'ma maîtresse et régente Gente de corps et de façon ; Son coeur tient le mien en sa tante Tant et plus d'un ardent frisson. 2/ Rime enchaînée (présente dans des vers enchaînés par gradation). De malemort le bon Dieu me préserve ! Que préservé, je vive sous sa loi, Et qu 'y vivant sans cesse je le serve En serviteur plein de zèle et de foi... 3/ Rime fraternisée ou fratrisée (le vers "fraternise" avec le suivant, la rime se retrouvant intégralement au début de l'autre). Mets voile au vent, cingle vers nous Charon, Car on l'attend... Marot 4/ Rime batelée (du vieux verbe "bateler" : faire des tours de force à la manière des bateleurs - la rime se retrouve à l'hémistiche des vers placés entre eux). Quand Neptunus, puissant dieu de la mer Cessa d'armer casaques et galées, Les gallicans bien le durent aimer Et réclamer ses grandes ondes salées. Marot 5/ Rime couronnée (formée de deux mots dont le second est comme un écho de la fin du premier). 33 Toujours est en vie envie. Qui le jour et la nuit, nuit... 6/ Rime double couronne Trop de vent vend et met nos ébats bas... G. Crétin 11 Rime empérière ou impératrice (double répétition de la syllabe précédente alors que la couronnée ne le répète qu'une fois). Bénins lecteurs très intelligents sens gents Prenez en gré mes imparfaits faits faits... 8/ Rime équivoque (se répète divisée en deux dans un mot à double sens). Bref, c'est pitié, entre nous rimailleurs Car trouver assez de rime ailleurs, Et, quand vous plaît, mieux que moi rimassez, De bien avez et de la rime assez. Marot 9/ Rime senée (précédée de mots commençant tous par la même lettre). Ciel ! C'est Clément Contre Chagrin Cloué, Et Est Estienne Esveillé Enjoué. 10/ Rime kyrielle (termine un vers repris dans chaque strophe d'une ballade ou d'une chanson comme un refrain). Qui voudra savoir la pratique De cette rime juridique, Je dis que bien mise, en effet, La kyrielle ainsi se fait. De plates de syllabes huit, Usez en donc, si bien vous duit, Pour faire le couplet parfait, La kyrielle ainsi se fait. 11/ Rime rétrograde (termine des vers qu'on peut lire à rebours sans que la mesure ni le sens n'en soit altérés). Triomphalement cherchez honneur et prix, Désolés coeurs, méchants infortunés, Terriblement êtes moqués et pris. Cela pourrait se lire : Prix et honneur cherchez triomphalement, Infortunés méchants, coeurs désolés, Pris et moqués êtes terriblement. Pour la petite histoire, rappelons que le tour de force - cela se réalisait en latin - était d'obtenir que non seulement les mots mais également les syllabes voire même les lettres puissent se lire en ordre inverse. Le record semble être cet hexamètre dont les lettres offrent une répétition exacte : 34 Arca serenum me gère regem munere sacra. 12/ Rime brisée ou vers brisés ou vers rapportés Les vers sont divisés en deux parties et rimes à leur hémistiche, la première partie, formée souvent de vers plus petits, présentant généralement un sens différent de celui de l'ensemble. Cet amusement poétique se rencontre encore, parfois, de nos jours. En voici un exemple que je viens de lire dans la revue MELUSINE N° 15 de décembre 1984. chômage Le travailleur souvent Rempli d'inconséquence S'en va, le nez au vent, Sensible à l'éloquence De l'habile flatteur Bavard intarissable Mille fois prometteur Mais jamais responsable tandis que le patron espère la reprise, pour chasser le poltron au sein de l'entreprise il doit se méfier au couplet politique prompt à tout défier et toujours fanatique. J.Jacques Bloch 35 CHAPITRE 5 RYTHME ET VERS Le rythme qui parachève l'oeuvre du poète classique est régi par des règles très strictes qui définissent et réglementent le vers afin que l'oreille le saisisse dans un rapport simple et instantané. Le nombre des accents est variable, celui des syllabes est fixe. L'ensemble doit donc être pair pour qu'il y ait symétrie. Un vers ne peut aller seul ; il n'atteindra sa plénitude que s'il est, au minimum, doublé. D'autre part, l'oreille ne pouvant saisir, normalement, en une seule fois, que sept syllabes, le vers doit donc, à partir de huit syllabes, être scindé en plusieurs parties qu'on appelle "césure". La césure médiane principale est appelée "hémistiche". A l'origine, les poètes utilisèrent le vers de huit syllabes, puis de dix syllabes (chanson de Roland), enfin l'alexandrin (douze syllabes) qui, depuis, fut le plus utilisé car il possède une grande variété de rythme : lui seul peut être divisé par deux, trois, quatre, six et sa moitié peut l'être encore par deux et trois. Les vers classiques n'ont jamais dépassé douze syllabes. Étudions maintenant leurs particularités. 1/ le vers de douze syllabes ou hexamètre. Il est appelé vers héroïque ou, plus généralement , alexandrin car il fut utilisé au XIe siècle dans "Le Roman d'Alexandre" commencé par Lambert le Tort et terminé par Alexandre de Bernay. Ainsi que nous venons de le voir, utilisé avec art, il permet d'exprimer toutes les nuances que peut concevoir l'âme du poète. Nous l'étudierons plus en détail dans les chapitres suivants. Baudelaire, ô martyr torturé jusqu 'aux moelles Marcel Chabot 2/ Le vers de onze syllabes ou endécasyllabique. Ce vers fut introduit par Nicolas Rapin, un des auteurs de la "Satire Ménippée". Il comprenait deux parties inégales : 5 + 6. Un petit garçon / demandait à son père : Faisait-il soleil / quand je n 'étais pas né ? Tous les jours on voit / l'ignorant étonné Dater de son âge / un nouveau temps sur terre. Malgré son peu de succès à cause de son allure boiteuse, il eut quelques partisans qui essayèrent de le corriger en utilisant une accentuation différente. Georges Duhamel et Charles Vildrac écrivaient : Un vers de 11 pieds coupé en 8 + 3 : le premier hémistiche, 8 : un élan majeur et lyrique ; puis le second, 3 : un étranglement, l'élan est brisé. On a quelquefois besoin d'exprimer cela. "Un cri voudrait jaillir de moi / et ne peut..." 3/ Le vers de dix syllabes ou décasyllabique II a son repos après la quatrième syllabe suivie de la moitié d'un alexandrin (4 + 6) : Figurez-vous / un beau front triomphant, Un frais sourire / en une fraîche bouche, Un oeil limpide / innocent et farouche Dont la paupière / en amande se fend. Victor Hugo 36 | |
| | | didier mordu(e)
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| Sujet: Re: Traité de Gilles Sorgel Mer 2 Fév - 17:05 | |
| Quel sort malin / quel astre me fit estre Jeune et si fol / et de malheur si plein, Quel destin fit / que toujours je me plain De la rigueur / d'un trop rigoureux maistre ? Ronsard II est parfois coupé en deux (5 + 5) mais il possède alors un rythme saccadé et devient vite déplaisant. Il est alors conseillé de croiser les rimes. Dans la plaine blonde / et sous les allées, Pour mieux faire accueil / au doux messidor, Nous irons chasser / les choses ailées, Moi, la strophe, toi / le papillon d'or. François Coppée "Le Reliquaire" Le décasyllabe fut fort employé. Il l'est encore. Avec force, noblesse, aisance et grâce, mélodique et pittoresque, on le retrouve dans les genres les plus divers, du récit et de l'épopée à l'élégie ou à la chanson. Même à la comédie (Voltaire). 4/ le vers de neuf syllabes ou ennéasyllabe. Il est au décassyllabe ce que le vers de onze syllabes est à l'alexandrin. Il est toutefois plus harmonieux et, de ce fait, plus usité. Il se divise surtout en 3 + 6, plus rarement en 4 + 5, cette dernière découpe cassant le rythme par une deuxième partie de vers impaire. Un chagrin / qui voudrait s'assoupir Un frisson / qui fait mal et qui charme, Un sourire / en qui glisse une larme, Un sanglot / qui finit un soupir. Fernand Gregh II est employé principalement dans les petits sujets lyriques et dans les chansons où il se montre parfois primesautier et toujours agréable. 5/ Le vers de huit syllabes ou octosyllabe. Ce vers très ancien car déjà utilisé par les trouvères et les troubadours, demande encore une césure même très légère mais celle-ci n'est plus imposée. L'harmonie de l'octosyllabe ne dépend que du choix judicieux des mots, des rimes, des croisements de rimes. Extrêmement mélodieux, charmeur et badin, il se prête à tous les tons. Après l'alexandrin, c'est, de loin, le vers le plus utilisé. Oh ! pour le reste de ta vie, Qu'on nous plaigne ou qu'on nous envie, Tant que nos coeurs se comprendront, Puisse une sereine pensée, A ton chevet toujours fixée, Poser ses ailes sur ton front. Victor Hugo "Dernière gerbe " Viens, cherchons cette ombre propice, Jusqu'à l'heure où, de ce séjour, Les fleurs fermeront leur calice Aux regards languissants du jour. Lamartine "'Nouvelles Méditations poétiques" 37 6/ Le vers de sept syllabes ou eptasyllabe. C'est un vers "pétillant" qui a presque tous les attributs de l'octosyllabe. L'accent qui n'est plus indispensable à partir de ce type de vers se met, en général, sur la troisième ou quatrième syllabe et l'oreille ajoute instinctivement une syllabe muette qui rétablit la symétrie. D'un gosier masche - laurier J'oy crier Dans lycofron ma Cassandre, Qui prophétise aux troyens Les moyens Qui les réduiront en cendre Ronsard "Chanson" Comme elle avait la résille, D'abord la rime hésita. Ce devrait être Inésille... Mais non, c 'était Pépita. ... Pépita -je me rappelle ! Oh ! le doux passé vainqueur, Tout le passé, pèle mêle Revient à flots dans mon coeur... Victor Hugo "Les fredaines du grand-père enfant" 9/ Le vers de quatre syllabes ou té trasyllabe Ce vers est plus rarement utilisé seul. Un des records est détenu par Amédée Pommier qui, avec beaucoup d'art, a décrit "La Fontaine de Jouvence" en trente couplets de huit vers de quatre syllabes. Comme pour le vers de six syllabes, on l'utilise, le plus souvent, avec des vers de longueur différente. Que m'importe que la nuit tombe Et rende, ô Dieu ! Semblable au plafond qui tombe Le beau ciel bleu. Victor Hugo 10/ Le vers de trois syllabes ou trisyllabe. Ce vers, également, n'est plus guère utilisé qu'entremêlé avec des vers de longueur différente (cfr. La Fontaine dans ses fables). Amédée Pommier - encore lui - a écrit en vers de trois syllabes deux poèmes charmants et comiques, "l'égoïste" en sept cent trente vers composés de rimes suivies et "le nain" en trois cent quatre vingt dix vers composés de rimes croisées. Si bien qu'autrefois entre elles II survint de grands débats Pour le pas : La tête avait toujours marché devant la queue. La queue au ciel se plaignit Et lui dit : Je fais mainte et mainte lieue... La Fontaine "La tête et la queue du serpent" 38 11/ Le vers de deux syllabes ou dissyllabe. Il ne figure, en principe, encore plus que les autres, qu'entremêlé avec des vers de longueur différente. Amédée Pommier - toujours lui - a écrit en vers de deux syllabes un poème "Pan" en trois cents vers environ répartis en trente neuf stances. En voici la dernière : Grand être Qu 'on sent, O maître Puissant, Roi juste, Auguste Et bon, A l'âme Tout clame Ton nom. Chacun se souvient des "Djinns" de Victor Hugo : Mur, ville Et port, Asile De mort, Mer grise Où brise La brise Tout dort. 12/ Le vers d'une syllabe ou monosyllabe. Encore plus difficile à utiliser que les précédents, il possède, par contre, en lui-même, de grandes possibilités expressives lorsqu'il est entremêlé avec des vers de longueur plus importante. Amédée Pommier - continuons donc à le citer - a composé une élogue assez agréable de deux cent vingt six monosyllabes. Le chef d'oeuvre du genre, encore inégalé, est, sans conteste, ce sonnet de Jules de Rességuier : Fort Belle, Elle Dort. Sort Frêle ! Quelle Mort ! Rosé Close, La Brise L'a Prise. 39 13/ Les iambes. On ne peut pas terminer ce chapitre sans parler des "iambes". Ce mot vient du latin "iambus" qui, dans le vers métrique ancien, désignait le "pied" de vers composé d'une brève et d'une longue. La caractéristique d'une pièce en iambes est que le mètre change symétriquement à chaque vers. Un vers long, un vers court. En général, un alexandrin, un octosyllabe. Cette disposition des vers permet d'obtenir une intensité de force extraordinaire. Tout y est mis en relief que ce soit par le passage du petit au grand ou du grand au petit. Il demande toutefois une finesse d'exécution extrêmement délicate, chaque groupe de vers devant contenir plus ou moins une idée ou une nuance d'idée nouvelle et soutenir l'effort que demande le maintien du contraste rythmique de deux vers de mètre différent en alternance continuelle. Auguste Barbier, André Chénier, Victor Hugo nous ont laissé des iambes magnifiques. C'était une cavale indomptable et rebelle Sans frein d'acier ni rênes d'or ; Une jument sauvage à la croupe rustique, Fumant encore du sang des rois, Maisfière et, d'un pied fort heurtant le sol antique, Libre pour la première fois. Jamais aucune main n'avait passé sur elle Pour la flétrir et l'outrager ; Jamais ses larges flancs n'avaient porté la selle Et le harnais de l'étranger ; Tout son poil était vierge et, belle vagabonde, L'oeil haut, la croupe en mouvement, Sur ses jarrets dressés, elle effrayait le monde Du bruit de son hennisssement. 40 André Barbier "L'idole " CHAPITRE 6 CÉSURE - HÉMISTICHE - ACCENT La césure, du mot latin qui signifie "coupure", est l'endroit où le vers est coupé par un repos que l'oreille et l'esprit peuvent saisir. Ne pas confondre "césure" et "hémistiche". L'hémistiche est, spécifiquement, le repos au milieu de l'alexandrin. La césure, elle, appartient à toutes espèces de vers. Les deux se complètent par des coupes ou repos ou pauses et par des accents mobiles. L'hémistiche est une césure mais toute césure n'est pas un hémistiche. Que toujours dans vos vers // les sens, coupant les mots, Suspende l'hémistiche, // en marque le repos. Boileau L'oreille a besoin du point d'appui de syllabes sonores aux différents repos nécessités par les besoins du rythme de chaque vers, que ce soit à l'intérieur du vers ou à son extrémité. Classiquement, le repos doit exister à chaque césure et à chaque rime et ceci, pour l'oreille, par une syllabe sonore. Suivons l'évolution de la composition d'un alexandrin : 1/je viens dans son temple : supplier l'Éternel. 12 3 4 5 6 7 89 1011 12 Ce semblant de vers n'en est pas un car l'hémistiche ne peut se situer sur un E muet, la syllabe sonore étant "tem". 2/ Oui, je viens dans son temple supplier l'Éternel. 12 3 4 5 6 7 8 91011 1213 Certains pensent ne pas tenir compte de l'E muet qui se prononce peu, ce qui fait que cet alexandrin comporte treize syllabes. Ce n'en est plus un. Il n'est plus classique. 3/Oui, je viens dans son temple prier l'Éternel. 12 3 4 5 6 7 89 1011 12 Dans cet alexandrin, l'hémistiche repose bien sur une syllabe sonore mais, étant donné que le mot se termine par un E muet dans la deuxième partie du vers, la césure est affaiblie. Cela peut être admis mais seulement admis de temps en temps. De toute façon, jamais dans le sonnet : Oh ! malheureux, jamais ! 4/ Oui, je viens dans son temple adorer l'Éternel 12 3 4 5 6 7 8 9 101112 Ce vers est, techniquement excellent. L'hémistiche est parfaitement marqué par l'élision du E muet. LES ACCENTS MOBILES L'alexandrin classique, puisque nous prenons ce vers le plus connu à titre d'exemple, est divisé en deux accents principaux et fixes, à la rime et à l'hémistiche qui partage le vers en deux mais, et c'est ce qui lui donne tant de possibilités rythmiques, chaque hémistiche est lui-même, le plus souvent, coupé en un ou plusieurs accents mobiles. Ces accents sont généralement au nombre de quatre : // était là / superbe, / obscur, / inabordable 4 2 2 4 Par moments, / il baillait, / disant : / Qu 'elle heure est-il ? 3 3 2 4 Artabane / son oncle, / homme auguste / et subtil.... 41 3 3 3 3 O roi, / reposez-vous, / dormez, / et cependant... 2 4 2 4 Mais ils peuvent être plus nombreux, l'alexandrin étant divisible par deux, trois, quatre, six et sa moitié par deux et trois. Ils ne peuvent toutefois dépasser "3" par hémistiche. S'ils dépassent trois par hémistiche, ce n'est plus un vers. Victor Hugo a bien écrit : Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze, Mais cette portion de phrase de douze syllabes n'est pas un vers et n'a rien à voir avec la poésie... classique ou non. Je tiens, / je tords, / je courbe, / et je lie / et délie 2 2 2 2 2 La respiration / de Booz / qui dormait 6 3 3 II est à noter que la succession immédiate de deux syllabes accentuées est interdite, leur rencontre étant contraire à l'harmonie. Que deviendrait le vers de Baudelaire : L'oeil inquiet fixé sur vos pas incertains Si on le modifiait ainsi : L'oeil inquiet fixé sur vos incertains pas ? AFFAIBLISSEMENT DE LA CÉSURE Les poètes classiques non seulement voulaient qu'il y ait repos à l'hémistiche mais ils exigeaient que ce repos soit fortement accentué ce qui leur imposait des remplissages et des inventions multipliés et très souvent désagréables. Alors Victor Hugo a décidé de l'affaiblir. Il a osé et, depuis, on l'a suivi. Sa réforme a fait loi. Il a scrupuleusement respecté les règles classiques en ce qui concerne la quantité des syllabes et la réglementation de la rime mais non en ce qui concerne la césure à l'hémistiche qu'il conserve à sa place mais sans lui accorder une priorité absolue. Il créa même un nouveau vers de douze syllabes qu'aucun classique auparavant n'avait connu : le trimètre ou ternaire dont nous reparlerons en détail plus loin. ERREURS A NE PAS COMMETTRE A L'HÉMISTICHE 1°/ Sur un "e" non élidé ou non élidable ("es" du pluriel ou "ent" des verbes) : Tes fureurs, tes meurtres, / tes crimes et tes guerres Rien n'existe, O bell_e_/ sur terre que l'espoir Ces vers irréguliers seraient techniquement parfaits s'ils étaient modifiés ainsi : Tes meurtres, tes fureurs, / tes crimes et tes guerres O belle, rien n'existe, / ici bas que l'espoir 2/ Quand la césure est située entre le sujet (pronom personnel ou pronom relatif) et le verbe : Et je pense que vous / irez sur cette route... 42 | |
| | | didier mordu(e)
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| Sujet: Re: Traité de Gilles Sorgel Mer 2 Fév - 17:06 | |
| Je pense à tous ceux qui / s'en vont sur cette route... Ces vers irréguliers seraient techniquement parfaits s'ils étaient modifiés ainsi : Et je pense que vous, / vous irez sur la route Et je pense à tous ceux / qui s'en vont sur la route 3°/ Quand il sépare l'article ou l'adjectif du nom: Je lui conseillais des / remèdes efficaces Le doute de son coeur / troublé qui le torture Toutefois, cela est autorisé : a) Si le nom est précédé ou suivi de plusieurs qualificatifs comme dans le vers suivant où les deux adjectifs terminent le vers car, alors, le repos est nettement perceptible. Le feu met du soleil / pétillant et joyeux b) De même si le qualificatif possède un complément qui termine le vers. Et toujours le labeur / contraire à nos amours. 4/ Quand il est situé entre la préposition et son complément : Et lorsque j'irai pour / lui dire que je l'aime. Deux exceptions sont tolérées : a) En ce qui concerne "loin" Ils s'arrêtent non loin / de ces tombeaux antiques Racine b) Lorsque la préposition se compose de plusieurs syllabes et si son complément complète le vers : Je me jette au devant / du coup qui t'assassine. Corneille 5/ Quand il est situé : - entre l'auxiliaire être et l'attribut : Et je vis qu 'elle était / belle et triste Isabelle - entre l'auxiliaire et le participe : Et je vis qu'il avait / pleuré tout en parlant - entre deux verbes liés par le sens : Et je vis qu 'il voulait / pleurer sans qu 'on le voie - entre deux mots composés : Et je vis le martin / pêcheur qui s'envolait 6/ Enfin lorsqu'il est situé entre une conjonction ou un adverbe monosyllabique et son complément : Maintenant je n'ai plus / décourage, mon père. Il ne paraissait ni / solide ni bancal. On conçoit, maintenant, l'importance des coupes ou des repos secondaires établis sur des accent mobiles plus ou moins soulignés et qui donnent ainsi au poème mouvement et variété cassant la monotonie des hémistiches, des césures et des rimes. Leurs possibilités sont, sinon infinies, du moins si variées qu'elles permettent d'exprimer toutes sensations et tous sentiments. LE TRIMÈTRE ou TERNAIRE 43 Victor Hugo l'inventa et nous l'avons adopté à tel point qu'il est considéré maintenant comme classique à condition qu'il soit utilisé avec discrétion. Il est appelé "trimètre" ou, accessoirement, "ternaire" car il est divisé en trois parties égales : Là Caïus pleure, / Achab frémit / Commode rêve, Borgia rit, / les vers de terre / armés de glaive... Il vit un oeil / tout grand ouvert / dans les ténèbres... Cette division admet, elle aussi, des coupes diverses admettant, en particulier, l'e muet à la fin de la première période mais non de la deuxième. Ils se battent, combat terrible, corps à corps II est à remarquer que Victor Hugo n'a jamais complètement supprimé la césure classique à l'hémistiche où se situe toujours une syllabe sonore. Les successeurs eurent moins de scrupules : Sur tes genoux, tout en jouant, j'appris à lire. Marcel Chabot 44 Quoi qu'il en soit, le trimètre fait désormais partie de la versification classique française. Rappelons toutefois que ce n'est pas un alexandrin ordinaire et qu'il doit être utilisé à bon escient et avec discrétion. CHAPITRE 7 ENJAMBEMENT - REJET Pour faire ressortir le repos de la rime ou de l'hémistiche, les classiques s'interdisent "l'enjambement" c'est à dire le report au vers suivant ou à la deuxième partie de l'alexandrin de mots liés directement au dernier mot les précédant. Ils n'admettent que le "rejet". Il faut bien distinguer la nuance entre les mots "enjambement" qui est interdit et "rejet" qui ne l'est pas. Il y a "enjambement" quand il n'y a aucune possibilité de repos à la fin du vers ou de l'hémistiche. Il y a "rejet" lorsqu'il y a un temps d'arrêt, si court soit-il, afin de faire ressortir le mot rejeté ou le vers suivant complet en lui-même. Ainsi les classiques n'admettent le rejet que pour deux raisons : a/ Si ce rejet se complète jusqu'à la fin du vers : Oui, j'accorde qu'Auguste a droit de conserver L'empire où sa vertu l'a fait seul arriver. Corneille b/ en cas de retenu, de suspension : N'y manquez pas du moins ; j'ai quatorze bouteilles D'un vieux vin... Boucinquot n'en a pas dépareilles. Boileau Au "rejet" s'oppose le "contre-rejet" qui suit les mêmes règles. Dans le cas de "contre-rejet", La phrase se termine au milieu du deuxième hémistiche ; la seconde commence, de ce fait, juste avant la rime et se poursuit au vers suivant. Cette figure de style permet de créer des coupes très harmonieuses à condition de ne pas affaiblir la rime. ... Que le symbole des ingrats Ce n'est point le serpent, c'est l'homme. Ces paroles Firent arrêter l'autre ; il recula d'un pas. La Fontaine De toute façon, il faut éviter les rejets et contre-rejets de six syllabes car on ne sait plus où commence et où finit l'alexandrin. Les rejets et contre-rejets sont des figures de style créateurs d'effets les plus harmonieux par la mise en relief du terme ou du rythme mais d'un emploi extrêmement délicat et qui demande beaucoup de doigté. Ainsi certains rejets successifs artistiquement utilisés : Des chants voilés de corps lointains où la tendresse Des sens étreint l'effroi de l'âme en des accords... Verlaine Et certains contre-rejets redoublés : Sur la terre bénie / au fond des deux, maudite Au fond des temples noirs par le fakir sanglant. Victor Hugo La Fontaine a usé et même presque abusé de ces rejets et contre-rejets. André Chénier en fit de même mais toujours afin d'obtenir un effet poétique. Les romantiques en ont déformé les règles. Du point de vue "classique", c'est inadmissible et ne se comprend pas : on ne peut supprimer tout repos à la fin du vers alors que l'élément primordial de la poésie classique est justement la rime. 45 CHAPITRE 8 LES STROPHES "La strophe" (dans les odes), le "couplet" (dans les chansons) ou "la stance" - de l'italien stanza et du latin stare qui veut dire s'arrêter - (dans les sujets religieux, philosophiques ou élégiaques) sont des groupes de vers croisés ou mêlés formant un système de rimes complet après lesquels il y a un temps d'arrêt amené par la plénitude du sens. Deux rimes plates ou suivies, c'est à dire quatre vers de deux rimes qui se suivent ne créent pas une strophe excepté si, en cinq vers, l'une des rimes est répétée trois fois. Une strophe doit, par nature, être jointe à une ou plusieurs autres strophes. Seule, elle est alors appelée "quatrain", quintain ou quintil", sizain, "huitain" ou dizain" etc.. La strophe est un ensemble soumis à un système rythmique déterminé, fermé et complet. Elle ne peut être, surtout dans les groupes les plus importants, composée de plusieurs parties qui, isolées, formeraient une strophe plus petite. Il n'y aurait alors que juxtaposition de strophes. Elle doit avoir une unité de thème avec un équilibre mesuré et posséder, ainsi, une césure strophique plus ou moins apparente qui laisse peu de place à l'enjambement d'une strophe sur l'autre. Cet enjambement parfois toléré et utilisé est extrêmement rare car contraire à la définition même de la strophe classique. Les strophes sont dites isométriques ou isomètres si elles sont formées d'une seule espèce de vers (que des alexandrins, par exemple) et hétérométriques si elles en admettent deux ou plus (alexandrins et octosyllabes, par exemple). Mais on n'utilise que très rarement, dans une strophe, plus de deux espèces de vers car cela deviendrait alors fatigant et, de ce fait, désagréable à l'oreille. Nous nous devons d'insister sur un point primordial trop souvent négligé ou ignoré : l'importance de la disposition des rimes suivant le type de strophe. Non seulement on doit observer l'alternance des rimes masculines et féminines et éviter la succession des rimes plates mais observer, par priorité, la disposition des croisements de rimes que la tradition a mise au point afin d'obtenir l'harmonie la plus parfaite possible. Nous la détaillerons à chaque définition. - La strophe de deux vers. Comme elle est composée que de vers, en général des alexandrins, à rimes plates, pratiquement, elle n'en est pas une et se rencontre rarement. En effet, ainsi que nous venons de le voir, pour qu'il y ait strophe, il faut, à chaque fois, un arrêt notable de sens. Certains y ont pourtant réussi. Voici un chef-d'oeuvre de Paul Verlaine tiré des "fêtes galantes" Colloque sentimental Dans le vieux parc solitaire et glacé, Deux formes ont tout à l'heure passé. Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles, Et l'on entend à peine leurs paroles. Dans le vieux parc solitaire et glacé, Deux spectres ont évoqué leur passé. - Te souvient-il de notre extase ancienne ?- - Pourquoi voulez-vous donc qu 'il m'en souvienne ? Ton coeur bat-il toujours à mon seul nom ? Toujours vois-tu mon âme en rêve ? - Non. 46 - Ah! les vieux jours de bonheur indicible Où nous joignions nos bouches ? - C'est possible. - Qu'il était bleu, le ciel et grand l'espoir ! -L'espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir. Tels ils marchaient dans les avoines folles, Et la nuit seule entendit leurs paroles. - La strophe de trois vers ou tercet. Elle est construite sur une seule rime ainsi que le montre l'exemple suivant : Pour avoir rang parmi les sages, Tout homme durant ses trois âges, Doit faire ici bas trois voyages. Parcourir la terre et les mers, S'imprégner de climat divers, Sied aux jours florissant et verts. Pour les jours virils, l'âme humaine Ouvre son immense domaine Où l'esprit entre et se promène. Puis on va calme au dernier jour ; Mais jeune ou vieux, le seul séjour C'est le royaume de l'amour. Brizeux "Lafleur d'or" Elle peut également être construite de la façon suivante : aba bcb cdc ... dede Le vers du milieu de chaque strophe rime avec le premier et le dernier de la suivante, la dernière se terminant obligatoirement par quatre vers. Il s'agit alors de la "terza rima" ou rimes croisées" que nous étudierons dans le prochain chapitre "poèmes à formes fixes". - La strophes de quatre vers. Elle peut être composée tout simplement sur une seule rime. Dans la majorité des cas, elle est composée sur deux rimes qui doivent être ou croisées ou embrassées. Des quatrains de rimes plates ne peuvent composer une strophe. Croisées : Ces âmes que tu rappelles, Mon cœur, ne reviennent pas. Pourquoi donc s'obstinent-elles, Hélas, à rester là-bas ? Victor Hugo "à des dames envolées" Embrassées : // neige, en pétales de soie II neige, neige des flocons, Qui dévident leurs pelotons Faits d'une douce et tendre joie Marcel Chabot On alterne souvent, surtout dans ce genre de strophe qui admet une multitude de combinaisons sa brièveté étant facilement perceptible par l'oreille, des vers plus longs avec des vers plus courts. Rarement trois vers courts et un vers long. Les meilleures combinaisons sont obtenues avec des alexandrins et des vers de huit ou six syllabes. Il faut en effet, pour l'harmonie et la musicalité de la strophe, que ses différents éléments aient entre eux des rapports simples. 47 Ainsi toujours poussés vers de nouveaux rivages, Dans la nuit éternelle emportés sans retour Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges Jeter l'ancre un seul jour ? Lamartine - La strophe de cinq vers. Il semble que la meilleure combinaison de cette strophe qui comporte obligatoirement trois rimes pareilles, consiste en ce que la rime du dernier vers ne soit apparue qu'une fois. Elle est alors attendue. Si la rime est déjà venue deux fois, l'oreille ne l'attend plus car elle a déjà entendu un quatrain complet. Or "la chute", à la fin d'une strophe, a une importance capitale. On obtient donc : abaab ou aabab. Cette strophe est généralement isomètre mais un vers plus court, à la fin, est d'un excellent effet. Nous ne passons qu'un instant sur la terre, Et tout n'y passe avec nous qu'un seul jour. Tâchons au moins, du fond de ce mystère, Par œuvre vive et franche et salutaire, De laisser trace en cet humain séjour. Ste Beuve "Pensées d'août" - La strophe de six vers. Elle est très souvent divisée en deux tercets comportant un repos plus ou moins net mais perceptible liés ensemble par la rime du dernier vers. Toujours cette chute sur une rime qu'on n'a entendu qu'une fois. On obtient donc : a a b c c b Mignonne, allons voir si la rosé, a Qui ce matin avait desclose a Sa robe de pourpre au soleil b A point perdu cette vesprée c Les plis de sa robe pourprée c Et son teint au vôtre pareil. b Ronsard ou a a b c b c Brillantes fleurs, naissez, a Herbe tendre, croissez a Le long de ces rivages ; b Venez, petits oiseaux, c Accordez vos ramages b Au doux bruit de leurs eaux, c La Fontaine "Galatée" On termine souvent chaque tercet par un vers plus court : Je suis l'inconnu noir qui, plus bas que la bête, Remplit tout ce qui marche au-dessus de sa tête D'angoisse et de terreur ; La preuve d'Alectron pareille à cléopâtre, De la pourpre identique au haillon, et du pâtre Egal à l'empereur. Victor Hugo Souvent également le dernier tercet seul se termine par un vers plus court ou, parfois, par deux vers plus courts : 48 | |
| | | didier mordu(e)
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| Sujet: Re: Traité de Gilles Sorgel Mer 2 Fév - 17:07 | |
| Là se perdent ces noms de maîtres de la terre, D'arbitres de la paix, de foudres de la guerre : Comme ils n'ont plus de spectre, ils n'ont plus de flatteurs, Et tombent avec eux d'une chute commune Tous ceux que la fortune Faisait leurs serviteurs. Malherbe - La strophe de sept vers. Elle est assez rare et se compose d'un quatrain suivi d'un tercet (aaab ccb) ou d'un tercet suivi d'un quatrain (aab cccb), cette dernière combinaison étant, de bien loin, la meilleure. Le temps emporte sur son aile a Et le printemps et l'hirondelle, a Et la vie et les jours perdus ; b Tout s'en va comme la fumée, c L'espérance et la renommée, c Et moi qui vous ai tant aimée, c Et toi qui ne t'en souviens plus ! b Musset "A Juana" On a souvent dit que la plus belle strophe de sept vers était celle de J.B. Rousseau : richesse de la rime et de la pensée et chute sur un alexandrin. Une dérogation marquée par un trait de génie. Mais de ces langues diffamantes a Dieu saura venger l'innocent. b Je le verrai, ce Dieu puissant, b Foudroyer leurs têtes fumantes. a II vaincra ces lions ardents, c Et dans leurs gueules écumantes a II plongera ses mains et brisera leurs dents, c - La strophe de huit vers. La juxtaposition de deux quatrains ne peut constituer une strophe. Il faut que ces quatrains soient reliés par une rime commune. Ce qui n'est possible qu'avec les combinaisons suivantes : abab cccb ou aaab cccb Mur, ville a Que j'aime à voir, dans les vesprées a Et port b Empourprées a Asile a Jaillir en veines diaprées a De mort, b Les rosaces d'or des couvents ! b Mer grise c Oh ! que j'aime aux voûtes gothiques c Où brise c Des portiques, c La brise c Les vieux saints de pierres athlétiques c Tout dort b Priant tout bas pour les vivants. b Victor Hugo "Les djinns" Musset "stances" On trouve de temps en temps ces strophes de huit vers, scindées en trois parties : aab ccb cb La strophe de huit vers, de par sa longueur, demande des poèmes et des vers assez courts. Les deux rimes répétées trois fois fatiguent vite. - La strophe de neuf vers. A partir de neuf vers, il ne s'agit plus de strophes indépendantes mais d'une juxtaposition de strophes. 49 La strophe de neuf vers est assez rare. Il s'agit, en général, d'un sizain suivi d'un tercet (6 + 3). On rencontre également, parfois, 4 + 5. (nuit de Décembre de Musset, par exemple). - La strophe de dix vers. Le plus souvent en octosyllabes, elle est composée d'un quatrain suivi de deux tercets. L'inverse s'est parfois rencontré mais sans grand succès. Après bien des essais, la combinaison en est abab ccd eed, les tercets étant liés par la rime. Sombres aboyeurs des ténèbres a Abîmes, que voulez-vous ? b Que demandez-vous, nuits funèbres ? a Pourquoi soufflez-vous, vents jaloux? b Pourquoi, mêlant brumes, nuées, c Tourbillons, flots pleins de huées, c Multiplier autour de moi, d Devant mes prunelles obscures, e Dans toutes ces vagues figures e Les attitudes de l'effroi. d Victor Hugo "Toute la lyre" Elle se prête à de magnifiques envolées lorsqu'on mélange les mètres. // est bon de tomber victime Sous le regard vengeur de la postérité, Dans l'holocauste magnanime De sa vie à la vérité ! L'échafaud, pour le juste, est le lit de sa gloire : II est beau d'y mourir au soleil de l'histoire, Au milieu du peuple éperdu, De léguer un remords à la foule insensée, Et de lui dire en face une mâle pensée Au prix de son sang répandu. Lamartine "Poésies politiques " - La strophe de onze vers n'eut jamais de succès. - Celle de douze dut son honneur à la magistrale réussite de Victor Hugo qui tripla les rimes doubles des tercets de la strophe de dix vers obtenant des quatrains symétriques du plus bel effet (abab cccd eeed). Oh ! demain, c'est la grande chose, a De quoi demain sera-t-il fait ? b L'homme aujourd'hui sème la cause, a Demain Dieu fait mûrir l'effet. b Demain c'est l'éclair dans la voile, c C'est le nuage sur l'étoile, c C'est un traitre qui se dévoile, c C'est le bélier qui bat les tours, d C'est l'astre qui change de zone, e C'est Paris qui suit Babylone : e Demain c'est le sapin du trône, e Aujourd'hui, c'en est le velours ! d Cette longueur semble ne pas pouvoir être dépassée. 50 CHAPITRE 9 FORMES FIXES POÈMES D'UNE SEULE STROPHE La strophe est unité si elle a un sens en elle-même. Elle peut donc constituer un poème à elle seule. En voici les principes avec les règles qui les définissent. a/ Le distique composé de deux vers rimant ensemble : Églé, belle et poète, a deux petits travers : Elle fait son visage et ne fait pas ses vers. Lebrun b/ Le tercet composé de trois vers rimant ensemble. c) Le quatrain construit obligatoirement sur deux rimes qu'elles soient embrassées, croisées ou plates : Vous qui pleurez, venez à Dieu car il pleure. Vous qui souffrez, venez à lui car il guérit. Vous qui tremblez, venez à lui car il sourit. Vous qui passez, venez à lui car il demeure. Victor Hugo d) Le quintain ou quintil qui admet la même disposition de rimes que la strophe de cinq vers. e) Le sizain qui ne se construit que sur trois rimes, les deux premières étant des rimes plates : ce qui donne : aabccb ou aabcbc J'ai vécu sans nul pensement a Me laissant aller doucement a A la bonne loi naturelle ; b Et si, je m'étonne pourquoi c La mort ose songer à moi c Qui ne songeai jamais à elle. b Régnier f) le huitain qui ne se construit que sur trois rimes dont l'une est répétée quatre fois. Cela donne deux strophes de quatre vers aux rimes ou croisées ou embrassées, les deux strophes étant unies par les quatrième et cinquième vers qui ont toujours la même rime. Ce qui donne : ababbcbc ou abbaacac Lorsque Maillart, juge d'enfer, menoit a A Montfaucon Semblançay l'âme rendre, b A vostre advis, lequel des deux tenoit a Meilleur maintien ? Pour vous le faire entendre, b Maillart sembloit homme que mort va prendre ; b Et Samblançay fut si ferme vieillart c Que l'on cuidoit, pour vray, qu'il menastpendre b A Monfaucon le Lieutenant Maillart. C Marot "Epigrammes Sous ce tombeau gisent Plaute et Térence, a Et cependant le seul Molière y git. b Leurs trois talents ne formaient qu 'un esprit, b Dont le bel art réjouissait la France. a Ils sont partis, et j'ai peu d'espérance a De les revoir, malgré tous nos efforts, c Pour un long temps, selon toute apparence, a Térence et Plaute et Molière sont morts. c La Fontaine "sur Molière" 51 g) le dizain qui ne se construit que sur quatre rimes disposées comme suit ababbccdcd Un charlatan disoit en plein marché a Qu 'il monstreroit le dyable à tout le monde : b S'il n'y en eut, tant fut-il empesché, a Qui ne courustpour voir l'esprit immonde. b Lors, une bourse assez large et profonde b II leur déployé et leur dit : "Gens de bien, c Ouvrez vos yeux, voyez, y a-t-il rien ? c - Non, dit quelqu 'un des plus près regardans. d - Et c'est, dit-il, le dyable, osez-vous bien, c Ouvrir sa bourse et ne voyr rien dedans ". d 52 Melin de Saint-Gelais LE SONNET "Un sonnet sans défaut vaut seul un long poème" Boileau Le sonnet nous est venu de l'Italie au XVIe siècle donc assez tard mais il connut immédiatement un immense succès II comprend quatorze vers répartis en deux quatrains à rimes embrassées et deux tercets. Deux possibilités sont correctes. Les voici : abba abba ccd eed abba abba ccd ede Les quatrains peuvent également être construits en rimes croisées mais cela est bien plus rare. Certains considèrent même, sans raison valable, cette disposition comme irrégulière : abab abab ccd eed abab abab ccd ede De toute façon, les deux quatrains doivent être de composition identique. Les poètes ont utilisé différentes sortes de vers. Au XVIe siècle, le sonnet était composé de décasyllabes mais, depuis Ronsard, l'alexandrin y est roi. Le sonnet qui peut s'adapter à toutes les nuances, n'admet ni médiocrité, ni négligeance. L'idée essentielle du poème doit s'exprimer dans le dernier vers qui doit en être le fleuron. Les sonnettistes commencent d'ailleurs, le plus souvent, leur poème par ce dernier vers. PAREIL À ROBINSON (A tous les prisonniers dm autres et d'eux-mêmes) Pareil à Robinson, j'implore le silence ; Mon âme communie avec l'immensité ; Ivre de sa spendeur, mon rêve illimité, En la douceur du soir, innocemment s'élance. Un épervier, là-haut, regarde et se balance ; Méphisto se faufile en soeur de charité ; L'air trouble et vaporeux cache une vérité ; II flotte, autour de moi, comme une nonchalance. Une brume, soudain, s'élève et, lentement, Déchire l'horizon de mon enchantement, Vaste nappe de soufre et de cris et de glace. Mon coeur déchiqueté contemple ses bourreaux. Tout tourne dans ma tête et dans mon âme lasse ... Il pleut des larmes d'or derrière les barreaux. G.S Voyons maintenant les sonnets dits irréguliers que vous n'avez pas intérêt à imiter si vous envisagez de les présenter à un concours... sauf à vous en expliquer auparavant. Certains ont écrit leurs sonnets en vers hétérométriques, c'est-à-dire en vers de différentes longueurs. Ainsi ce sonnet de Baudelaire de composition totalement irrégulière. 53 | |
| | | didier mordu(e)
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| Sujet: Re: Traité de Gilles Sorgel Mer 2 Fév - 17:08 | |
| LE CHAT 10 Viens, mon beau chat, sur mon coeur amoureux, a 8 Retiens les griffes de ta patte, b 10 Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux a 8 Mêlés de métal et d'agate. b 10 Lorsque mes doigts caressent à loisir c 8 Ta tête et ton dos élastique, d 10 Et que ma main s'enivre du plaisir c 8 De palper ton corps électrique, d 10 Je vois ma femme en esprit ; son regard, e 8 Comme le tien, aimable bête, f 10 Profond et froid, coupe et fend comme un dard, e 8 Et des pieds jusques à la tête, f 10 Un air subtil, un dangereux parfum g 8 Nagent autour de son corps brun. g De même Rimbaud qui a su donner aux finales de ses tercets un ton d'intimité chaleureuse. On appelle ce sonnet le sonnet "layé". RÊVE POUR L'HIVER A... elle 12 L'hiver, nous irons dans un petit wagon rosé a 6 Avec des coussins bleus. b 12 Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose a 6 Dans chaque coin moelleux. b 12 Tu fermeras l'oeil, pour ne point voir, par la glace, c 8 Grimacer les ombres des soirs, d 12 Ces monstruosités hargneuses, populace c 8 De démons noirs et de loups noirs. d 12 Puis tu te sentiras la joue égratignée... e 12 Un petit baiser, comme une folle araignée, e 6 Te courra par le cou... f 12 Et tu me diras : " Cherche ! " en inclinant la tête g 12 - Et nous prendrons du temps à trouver cette bête g 6 - Qui voyage beaucoup... f Rimbaud "En wagon " II y a eu, bien entendu, beaucoup d'autres essais pour détourner les règles de base et créer de nouveaux types de sonnet mais ils n'ont jamais réussi à s'imposer. Citons les principaux : Le sonnet apparent qui ne se compose que de deux rimes alternées : abab abab aba bab Les vers étant disposés à la manière du sonnet régulier. Le sonnet renversé dont le promoteur est Auguste Brizeux (1803-1858) qui écrit : "Les rimeurs ont posé le sonnet sur la tête. " II commence donc par les tercets. 54 Le sonnet polaire (Brizeux - Baudelaire "l'avertisseur") Les tercets sont encadrés par les quatrains suivant ce schéma : abba eef ggf cddc abba ccd eed abba Le sonnet alterné (Catulle Mendes 1843-1909) : 4 vers + 3 vers + 4 vers + 3 vers 3 vers + 4 vers + 3 vers + 4 vers Le sonnet quinzain (Albert Samain) : Se compose alors de quinze vers, le dernier prolonge l'effet de l'ensemble : abba abba cdc dcc d Le sonnet seizain (Albert Samain - Verlaine) a abba caac dde aca a Le premier vers pouvant se répéter à la fin à la manière d'un refrain. Le sonnet estrambot qui comprend trois tercets. On ne peut pas ne pas citer ce chef d'oeuvre d'Arvers, un sonnet irrégulier mais génial qui réussit à immortaliser à lui seul son auteur : Mon âme a son secret, ma vie a son mystère : Un amour éternel en un moment conçu. Le mal est sans espoir, aussi j'ai dû le taire, Et celle qui l'a fait n'en a jamais rien su. Hélas ! j'aurais passé près d'elle, inaperçu, Toujours à ses côtés et pourtant solitaire ; Et j'aurais jusqu'au bout fait mon temps sur la terre, N'osant rien demander, et n 'ayant rien reçu. Pour elle, quoique Dieu l'ait faite douce et tendre, Elle ira son chemin, distraite, et sans entendre Ce murmure d'amour élevé sur ses pas. A l'austère devoir pieusement fidèle, Elle dira, lisant ces vers tout remplis d'elle : 55 "Quelle est donc cette femme ? " et ne comprendra pas. LE RONDEAU II comprend quinze vers sur deux rimes en trois strophes, le dernier vers des deuxième et troisième strophes étant la reprise des premiers mots du premier vers. Ce début d'un vers écourté était appelé au XVIe siècle "le rentrement". On l'appelle maintenant une clausule. Cela donne, en pratique, des vers blancs et le schéma suivant : aabba aab + Va( 1 ) aabba + Va( 1 ) Pour vos beaux yeux qui me vont consumant L'amour n'a point de peine et de tourment, De feu cuisant ni de cruel martyre Que de bon coeur je ne voulusse élire Et qu 'on ne doive endurer doucement. Tout l'univers n'a rien de si charmant Et s'il était sous mon commandement, Je quitterais volontiers son empire Pour vos beaux yeux. Toute la cour vous sert également, Mais quant à moi si je vais vous aimant, Ne croyez pas que par là je désire Cette faveur où tout le monde aspire Car je vous aime et vous sers seulement Pour vos beaux yeux. Vincent Voiture Le rondeau redoublé II comprend six strophes sur deux rimes et se termine à la fin de la sixième strophe seulement par un refrain qui reprend les premiers mots du premier vers et, de ce fait, ne rime avec aucun autre. Par contre, chacun des vers de la première strophe est répété successivement à la fin des quatre strophes suivantes. Ce qui donne : 56 abba1 abab2 abba3 abab4 abba + Va(l) LE RONDEL II comprend treize vers en trois strophes construites sur deux rimes. Le premier vers de la première strophe est répété à la fin de la dernière. Par contre les deux derniers vers du second quatrain répètent les deux premiers vers du rondel. Ce qui donne les schémas suivants : a!b2ba ab aîb2 abbaa1 Dieu ! qu'il la fait bon regarder, La gracieuse, bonne et belle ! Pour les grands biens qui sont en elle Chacun est prêt de la louer. Qui se pourrait d'elle lasser ? Toujours sa beauté renouvelle. Dieu ! qu'il la fait bon regarder, La gracieuse, bonne et belle ! Par deçà, ni delà la mer Ne sais dame ni demoiselle Qui sont en tous bien parfaits telle. C'est un songe que d'y penser : Dieu ! qu'il la fait bon regarder ! Charles d'Orléans Parfois, les deux premiers vers sont répétés à la fin de la dernière strophe ce qui donne un rondel de quatorze vers. Ainsi, on voit souvent le rondel suivant de Charles d'Orléans reproduit avec cette finale. Mais cela est très rare, la formule actuellement retenue étant celle de treize vers. Le temps a laissé son manteau De vent, de froidure et de pluie, Et s'est vêtu de broderie, De soleil riant, clair et beau. Il n'y a bête ni oiseau Qu'en son jargon ne chante et cri, Le temps a laissé son manteau De vent, de froidure et de pluie. Rivière, fontaine et ruisseau Portent, en livrée jolie, Gouttes d'argent d'orfèvrerie, Chacun s'habille de nouveau. Le temps a laissé son manteau De vent, de froidure et de pluie. 57 Il existait également le rondel simple. Il a pris nom "Triolet", (voir ce mot, page suivante). LE TRIOLET Etait appelé autrefois rondel simple Se compose de huit vers sur deux rimes, le premier vers était répété à la fin du premier quatrain et les deux premiers vers à la fin du deuxième, ce qui donne Voici un triolet célèbre : Le premier jour du mois de mai Fut le plus heureux de ma vie. Le beau dessein que je formai Le premier jour du mois de mai ! Je vous vis et je vous aimai : Si ce dessein vous plut, Sylvie, Le premier jour du mois de mai Fut le plus heureux de ma vie. Ranchin Le triolet continu : Pour obtenir un ensemble d'une seule teneur rythmique, "le triolet continu" n'est pas césure à la fin du premier quatrain. De tous côtés, de ci, de là, Les oiseaux chantaient dans les branches, En si bémol, en ut, en la. De tous côtés, de ci, de là, Les prés en habits de gala Etaient pleins de fleurettes blanches. De tous côtés, de ci, de là, Les oiseaux chantaient dans les branches. Alphonse Daudet "Les Amoureuses" Marmontel écrivait : 58 "Le couplet ne peut guère avoir de plus jolie forme que celle du triolet. " LA BALLADE La ballade se présente sous quatre formes différentes : la ballade primitive, la petite ballade, la grande ballade, le chant royal. Les ballades les plus connues et pratiquement les seules utilisées par les poètes modernes sont la petite ballade et la grande ballade. 1) La ballade primitive : Elle est composée de huitains, en général trois, sur deux rimes ou trois rimes, sans envoi. Le refrain en est seulement fourni par le dernier vers de chaque strophe qui est identique. En voici le schéma : abab/bccb(1) - abab/bccbO) - abab/bccb(1) 2) La petite ballade : Composée de vingt huit vers sur trois rimes, elle est divisée en trois strophes de huit vers et d'une demi- strophe de quatre vers appelé envoi. En voici le schéma : abab/bcbcO) abab/bcbc C1) abab/bcbcO) Une ballade est délicate à réussir car elle exige quatorze rimes b, huit rimes c et six rimes a. Le choix de la rime est primordial car elle doit satisfaire sans faiblir quatorze fois aux obligations du sens et de la mélodie. L'envoi est ainsi nommé parce qu'il "envoie" le poème à une autre personnalité, une personne aimée etc.. Il commence donc par un vocatif : Prince, Sire, vous etc. Etant donné la grande répétition des mêmes rimes, il est recommandé d'éviter soigneusement les rimes en ENT (adverbes), ION peu jolies et IBLE (adjectifs). Quoy qu'on tient belles langagières Florentines, Véniciennes, Assez pour estre messaigieres, Et mesmement les anciennes ; Mais, soient Lombardes, Rommaines, Genevoyses, à mes perilz, Piemontaises, Savoysiennes, II n 'est bon bec que de Paris De beau parler tiennent chayeres, Ce dit-on, Neapolitaines, Et que sont bonnes caquetieres Allemandes et Prussiennes ; Soient Grecques, Egyptiennes, De Hongrie ou d'autres pays, Espaignolles ou Castellennes, II n 'est bon bec que de Paris. Brettes, Suysses, n 'y sçavent gueres, Ne Gasconnes et Thoulouzaines ; Du Petit-Pont deux harangeres Les concluront, et les Lorraines, Angloises ou Calaisiennes (Ay-je beaucoup de lieux compris ?), Picardes, de Valenciennes... Il n 'est bon bec que de Paris. ENVOI Prince, aux dames Parisiennes, De bien parler donnez le prix. Quoy qu'on die d'Italiennes, II n 'est bon bec que de Paris. François Villon 59 | |
| | | didier mordu(e)
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| Sujet: Re: Traité de Gilles Sorgel Mer 2 Fév - 17:09 | |
| 3) La grande ballade : Composée de trente cinq vers sur quatre rimes, elle est divisée en trois strophes de dix vers et d'un envoi de cinq. En voici le schéma : ababb/ccdcd(1) (3 fois) puis ccdcd(1) Elle est de ce fait, moins difficile que la petite ballade, les rimes étant mieux réparties. Voici un des chefs-d'oeuvre de François Villon : "La ballade des pendus" : Frères humains qui après nous vivez, N'aiez les cuers contre nous endurcis ; Car se pitié de nous povres avez, Dieu en aura plus tost de vous mercis. Vous nous voiez cy atachez, cinq, sis ; Quant de la chair, que trop avons nourrie, Elle estpieça dévorée et pourrie, Et nous, les os, devenons cendre et poudre. De nostre mal personne ne s'en rie, Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre ! Se vous clamons frères pas n'en devez Avoir desdaing, quoy quefusmes occis Par justice ; toutesfois vous sçavez Que tous hommes n'ont pas bon sens assis Excusez-nous, puis que sommes transis, Envers lefilz de la vierge Marie, Que sa grâce ne soit pour nous tarie, Nous préservant de l'infernale fouldre, Nous sommes mors : ame ne nous harie Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre ! La pluye nous a buez et lavez Et le soleil desséchez et noircis ; Pieds, corbeaux nous ont les yeux cavez Et arraché la barbe et les sourcilz ; Jamais, nul temps, nous ne sommes rassis ; Puis ça puis la, comme le vent varie, A son plaisir sans cesser nous charie, Plus becquetez d'oiseaulx que dez à coudre. Ne soiez donc de nostre confrarie ; Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre ! ENVOI Prince Jésus, qui sur tous as maistrie, Garde qu Enfer n 'ait de nous seigneurie : A luy n'avons que faire ne que souldre. Hommes, icy n 'a point de moquerie, Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre ! 60 4) Le chant royal : Développement de la ballade, il est composé de soixante vers sur cinq rimes répartis en cinq strophes de onze vers et un envoi de cinq vers. L'envoi peut être de quatre ou sept vers, le total des vers se situe donc, suivant l'importance de l'envoi, entre cinquante neuf et soixante deux vers. En voici le schéma :
a b a b 5 vers 4 vers 7 vers 5 strophes c envoi de d d c c 5, 4 ou 7 d e c de 11 vers d vers e d d d d e(l) d e e(l) e d d (1) Les derniers vers de chaque strophe ainsi que le dernier de l'envoi sont identiques. 61 Etant donné l'ampleur du chant royal, il est conseillé au poète suffisamment courageux pour s'y risquer de vérifier le nombre de mots pouvant rimer ensemble. LA VILLANELLE La viUanelle était très prisée au XVIe siècle par son rythme agile et sa grâce naïve, elle semble avoir la faveur de certains poètes modernes. Il y a deux types de viUanelle. De nos jours, le type 1 est, pratiquement, le seul utilisé. Type 1 : Elle est formée d'une succession indéterminée de tercets, sur deux rimes, dont le troisième vers reprend successivement le premier puis le troisième vers au poème. La dernière strophe qui devient alors un quatrain reprend les deux vers. Ce qui donne : aba1 aba2 aba1 etc. finale : aba1 a2 Le modèle classique en est la viUanelle de Jean Passerat (1534-1602) : J'ai perdu ma tourterelle. Est-ce point elle quej'oy ? Je veux aller après elle. Tu regrettes ta femelle ! Hélas ! aussy fay-je moy : J'ay perdu ma tourterelle. Si ton amour est fidèle Aussy est ferme mafoy : Je veux aller après elle. Ta plainte se renouvelle Toujours plaindre je me doy : J'ai perdu ma tourterelle. En ne voyant plus la belle, Plus rien de beau je ne voy : Je veux aller après elle. Mort, que tant défais j'appelle, Prends ce qui se donne à toy : J'ay perdu ma tourterelle, Je veux aller après elle. Type 2 : Cette forme plus pesante que la précédente par la répétition à chaque strophe des deux mêmes vers est pratiquement abandonnée. Elle est formée de quatrains tour à tour croisés puis embrassés. Les deux derniers vers du premier quatrain se retrouvent dans chaque quatrain suivant, mais chaque fois dans un ordre inverse. Pour que, dans la dernière strophe, l'ordre soit le même que dans la première, il faut que le nombre de strophes soit impair. Cela donne : aba^abbVabaib2 abbV etc. finale : aba%2 62 LA TERZA RIMA La terza rima est formée de tercets dont les vers extrêmes riment ensemble. Le vers du milieu (le deuxième) rimera avec les vers extrêmes du tercet suivant. Le poète choisit lui-même le nombre de strophes qu'il désire. Lorsqu'il veut terminer, il ajoute un vers rimant avec celui du milieu pour lui faire écho. La terza se termine donc par un quatrain. En voici un schéma sur cinq strophes : a b c d e b c d e f a b c d e f Mobile, légère cette forme de poésie est idéale pour la fantaisie, l'imagination, le romantisme... Le dernier souvenir J'ai vécu, je suis mort. - Les yeux ouverts je coule Dans l'incommensurable abîme, sans rien voir, Lent comme une agonie et lourd comme une foule. Inerte,blème, au fond d'un lugubre entonnoir Je descends d'heure en heure et d'année en année, A travers le Muet, l'Immobile, le Noir. Je songe et ne sens plus. L'épreuve est terminée. Qu 'est-ce donc que la vie. Etais-je jeune ou vieux ? Soleil ! Amour ! - Rien, rien. Va, chair abandonnée ! Tournoie, enfonce, va ! Le vide est dans tes yeux, Et l'oubli s'épaissit et t'absorbe à mesure. Si je rêvais ! Non, non, je suis bien mort. Tant mieux. Mais ce spectre, ce cri, cette horrible blessure ? Cela dut m'arriver en des temps très anciens. O Nuit ! Nuit du néant, prends-moi ! - La chose est sûre : Quelqu 'un m'a dévoré le coeur, je me souviens. 63 Leconte de Lisle "Poèmes barbares " LE PANTOUN ou PANTOUM Ce type de poème est assez récent car il a été créé à la suite d'une traduction par Victor Hugo, en 1829, d'un chant ou pantoum malais. Th. Gauthier en fit une imitation en vers et vingt ans plus tard on tenta de l'adapter, avec plus ou moins de succès, dans notre langue. Assez complexe, il bénéficie toutefois d'un effet de retours dont certains poètes ont su tirer de véritables chefs-d'œuvre. 1) Le vrai pantoum est formé de quatrains d'octosyllabes ou de décasyllabes à rimes croisées avec cette particularité : le deuxième et le quatrième vers de chaque strophe deviennent le premier et le troisième de la strophe suivante et ainsi de suite. Le nombre de strophes en est donc pratiquement illimité. Enfin le dernier vers du dernier quatrain reprend le premier vers du poème. Ce pantoum de Leconte de Lisle dégage un sentiment d'obsession extraordinaire : O mornes yeux ! Lèvre pâlie ! J'ai dans l'âme un chagrin amer. Le vent bombe la voile emplie, L'écume argenté au loin la mer. J'ai dans l'âme un chagrin amer : Voici sa belle tête morte ! L'écume argenté au loin la mer, Le praho W rapide m'emporte. Voici sa belle tête morte ! Je l'ai coupée avec mon kriss. Le praho rapide m'emporte En bondissant comme l'ascis (2) Je l'ai coupé avec mon kriss ; Elle saigne au mât qui la berce. En bondissant comme l'ascis Le praho plonge et se renverse. Elle saigne au mât qui la berce ; Son dernier râle me poursuit. Le praho plonge et se renverse. La mer blême asperge la nuit. Son dernier râle me poursuit. Est-ce bien toi que j'ai tuée ? La mer blême asperge la nuit, L'éclair fend la noire nuée. Est-ce bien toi que j'ai tuée ? C'était le destin, je t'aimais ! L'éclair fend la noire nuée, L'abîme s'ouvre pour jamais. C'était le destin, je t'aimais ! Que je meure afin que j'oublie ! L'abîme s'ouvre pour jamais. O mornes yeUX ! lèvre pâlie. (Extrait des Poèmes tragiques) ' ) Barque des pirates Malais (2) Gazelle 64 2) Le faux pantoum a été créé par Baudelaire dans un poème magnifique comportant deux différences primordiales : il est établi sur deux rimes et le dernier vers ne reproduit pas le premier. Harmonie du soir Voici venir les temps où vibrant sur sa tige Chaque fleur s'évapore ainsi qu 'un encensoir ; Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir ; Valse mélancolique et langoureux vertige ! Chaque fleur s'évapore ainsi qu 'un encensoir ; Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige ; Valse mélancolique et langoureux vertige ! Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir. Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige, Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir ! Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ; Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige. Un coeur tendre qui hait le néant vaste et noir, Du passé lumineux recueille tout vestige ! Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige... Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir ! L'ACROSTICHE Les vers acrostiches ou en acrostiche comprennent à leur première lettre et dans l'ordre, les lettres composant le nom d'une personne à qui on les dédie. Dans la ballade dédiée à sa mère, Villon a composé l'envoi en acrostiche. V Vous portâtes, digne Vierge, princesse, I Jésus régnant qui n 'a ni fin ni cesse. L Le tout puissant, prenant notre faiblesse, L Laissa les deux et nous vint secourir, O Offrit à mort sa très chère jeunesse : N Notre Seigneur tel est, tel le confesse : E En cette foi je veux vivre et mourir. LA GLOSE La glose est la parodie rimée d'un poème connu dont on répète successivement les vers à raison d'un à la fin de chaque strophe. C'est dire qu'il y aura autant de strophes que de vers dans le poème parodié. Il est donc préférable que celui-ci ne soit pas trop long. Une glose restée célèbre est celle de Sarazin sur le sonnet de "Job" d'Isaac de Benserade, sonnet qui, en son temps, a créé, par rivalité avec le sonnet "Sur Uranie" de Voiture, une guerre de cour entre le clan des "Jobelins" et celui des "Uranins". Vous pouvez les trouver, glose et sonnet, dans le Petit traité de Poésie Française de Théodore de Banville. 65 | |
| | | didier mordu(e)
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| Sujet: Re: Traité de Gilles Sorgel Mer 2 Fév - 17:11 | |
| LE HAIKU Le HAÏKU est une forme poétique japonaise dérivé du HAÏKAÏ lui-même dérivé du RENGA. Le "Haïku" est d'ailleurs souvent appelé à tort "Haïkaï". Le "renga" était composé de 31 syllabes en 5 vers mais en alternance de deux versets, les 3 premiers 5.7.5. (hokku) composé par un poète, les 2 suivants 7.7 (ageku) composés par un autre poète qui lui répondait et ainsi de suite en nombre pratiquement illimité, le poème pouvant atteindre et même dépasser les 1000 versets. Il était appelé "poème en chaîne" ou "poème-chaînon". C'est une dissociation du TANKA que nous étudions plus loin. Le "Haïkaï", abréviation de "Haïkaï no renga" "poème divertissant", désigne le quintil du renga lorsqu'il est isolé et se suffit à lui-même. Le "Haïku", abréviation de "haïkaï no hokku", n'a conservé que le premier tercet de 17 syllabes : 5.7.5. Il a supplanté le "Haïkaï" dès la fin du XIXe siècle. On le rencontre parfois dans la poésie francophone actuelle. R. Barthes, dans "l'Empire des signes", écrivait : "Le haïku fait envie (...) combien de lecteurs occidentaux n'ont pas rêvé de se promener dans la vie, un carnet à la main, notant ici et là des "impression ", dont la brièveté garantirait la perfection, dont la simplicité attesterait la profondeur (...) dans le haïku, dirait-on, le symbole, la métaphore, la leçon ne coûtent presque rien : à peine quelques mots, une image, un sentiment - là où notre littérature demande ordinairement un poème. " Personnellement, j'approuve R. Barthes lorsqu'il dit que les occidentaux rêvent de cette forme concise de poésie mais, si elle est idéale à l'âme japonaise qui s'exprime par touches juxtaposées, elle est, pour nous européens, de composition malaisée sinon pratiquement impossible. LE TANKA ou WAKA Le "Tanka" ou "Waka" (du japonai tanka - court poème), antérieur aux formes précédentes, eut une telle vogue que la Cour dut instituer un bureau de poésie. Le Man'yôshû (début du IXe siècle) comprend 4 173 tanka et 324 naga-uta, poèmes plus longs tombés ensuite rapidement en désuétude. Ancêtre du renga et du Haïkaï, il comprend également 5 vers en 31 syllabes : 5.7'.5.1.1'.1'. avec une légère pause après le troisième vers. Ses règles étaient très strictes avec, en particulier, l'interdiction d'utiliser les mots d'origine chinoise. Le "Haïkaï", de même composition, issu du "renga" a été libéré de ces contraintes d'où son expansion ultérieure. Il est donc normal, dans notre poésie occidentale, d'appeler ce type de poème composé de 5 vers et de 31 syllabes TANKA ou WAKA ou HAÏKAÏ. Mets ton âme à nu. Fais alliance avec l'été Le temps d'un soleil. Déjà ton rêve s'enneige Et se vêt de mille hivers. Rolande Cielny 66 LA SEXTINE D'origine italienne, elle se compose de strophes de six vers sur deux rimes et d'une demi-strophe. Non seulement les rimes mais l'intégralité des mots situés en fin des vers de la première strophe se retrouve dans les strophes suivantes mais en s'inversant à chaque strophe. Ainsi la première strophe étant : 6. 1. 2. 3. 4. 5. La deuxième sera : 4. 3. de la première 6. 1. 5. 2. Considérant la deuxième : 1. 2. 3. 4. 5. 6. La troisième sera, par rapport, à elle : 6. 1. 5. 2. 4. 3. etc. Ce qu'on peut représenter par le graphique suivant : Enfin, la demi-strophe finale doit représenter dans l'ordre les six mots servant de rimes à la première strophe. Les sextines sont souvent composées en alexandrin. Il nous semble pourtant que des vers plus courts seraient préférables car le poème est fort long et comporte une répétition souvent fastidieuse des mêmes mots. Cette catégorie de poème enthousiasmait Banville. Qu'en dites-vous ? 67 Si vous avez du talent et ...si vous êtes courageux... Seul un exemple permettra de comprendre : Voici la sextine que Théodore de Banville cite en exemple Autour d'un étang L'étang qui s'éclaircit au milieu des feuillages, La mare avec ses joncs rubanant au soleil, Ses flottilles de fleurs, ses insectes volages Me charment. Longuement au creux de leurs rivages J'erre, et les yeux remplis d'un miracle vermeil, J'écoute l'eau qui rêve en son tiède sommeil. Moi-même j'ai mon rêve et mon demi-sommeil. De féeriques sentiers s'ouvrent sous les feuillages ; Les uns, en se hâtant vers le coteau vermeil, Ondulent transpercés d'un rayon de soleil ; Les autres, indécis, contournant les rivages, Foisonnent d'ombre bleue et de lueurs volages. Tous se peuplent pour moi défigures volages Qu'à mon chevet parfois évoque le sommeil, Mais qui bien mieux encor sur ces vagues rivages Reviennent, souriant aux mailles des feuillages : Fantômes lumineux, songes du plein soleil, Visions qui font l'air comme au matin vermeil. C'est l'ondine sur l'eau montrant son front vermeil Un instant ; c'est l'éclair des sylphides volages D'un sillage argentin rayant l'or du soleil ; C'est la muse ondoyant comme au sein du sommeil Et qui dit : "Me voici !" ; c'est parmi les feuillages Quelque blancheur de fée... O gracieux rivages ! En vain j'irais chercher déplus nobles rivages, Pactole aux sables d'or, Bosphore au flot vermeil, Aganippe, Permesse aux éloquents feuillages, Pénée avec ses fleurs, Hèbre et ses choeurs volages, Eridan mugissant, Mincie au frais sommeil Et Tibre que couronne un éternel soleil ; Non, tous ces bords fameux n'auraient point ce soleil Que me rend votre aspect, anonymes rivages ! Du présent nébuleux animant le sommeil, Ils y font refleurir le souvenir vermeil Et sonner du printemps tous les échos volages Dans les rameaux jaunis non moins qu'aux verts feuillages. Doux feuillages, adieu ; vainement du soleil Les volages clartés auront fui ces rivages. Ce jour vermeil luira jusque dans mon sommeil. 68 LE LAI (pour mémoire) Le lai était aussi appelé "arbre fourchu" car les petits vers commençaient sous les grands à la manière des branches d'un arbre. C'est un des plus anciens poèmes à forme fixe. Il est abandonné depuis le XVIe siècle. Il admettait un nombre indéterminé de strophes sur deux rimes composées de manière également indéterminée. En vers de trois, cinq et sept syllabes. Seule la première et la dernière strophe devaient posséder les mêmes combinaisons. C'était la forme la plus courante car il en existait cinq catégories principales : le petit lai, le grand lai ou complainte amoureuse, le simple lai, le lai renforcé et le lai en série. LE VIRELAI (pour mémoire) Le virelai était un petit poème de vers courts et impairs sur deux rimes. Cette forme est abandonnée. LE FATRAS (pour mémoire) D'origine picarde, il comporte treize vers : un couplet de onze vers sur deux rimes précédé d'un distique dont il sert de développement et dont il reprend le premier vers à son début et le deuxième à sa fin. Cela donne : aiabaab/babab2 II s'appelle aussi "fatrasenté" parce que "greffé" sur son distique. On distinque le fatras possible (son texte offre un sens) et le fatras impossible (son texte est incohérent). LE DOUBLE FATRAS (pour mémoire) Le double fatras comprend deux fatras simples, l'un traitant le distique dans l'ordre, l'autre dans un ordre inverse. Cela donne : &lh2 a^baab/babab2 Puis : bV b2babba/ababa! 69 CHAPITRE 10 DU VERS LIBRE CLASSIQUE La poésie libre" ainsi que nous l'avons définie dans notre liminaire est la liberté laissée au poète classique de n'observer aucune symétrie dans l'ordre de ses vers à mesures inégales et à rimes croisées, redoublées ou mêlées au seul gré du poète, c'est-à-dire au seul besoin de l'inspiration. Elle se retrouve dans les genres aussi différents que les tragédies de Quinault, les choeurs d'Esther et d'Athalie de Racine, l'Amphitryon de Molière, les fables de La Fontaine ou les oeuvres de Voltaire... Sous son apparence de facilité, elle demande un art consommé. En effet, pour conserver une parfaite harmonie, l'assemblage ou la juxtaposition de vers de longueurs différentes doit respecter une règle de base appelée "règle du commun diviseur". Ainsi : a) Les vers d'un nombre pair se marient mal avec ceux de nombre impair ; b) Les vers de six et douze syllabes se marient bien par contre avec ceux de trois syllabes et le vers de neuf syllabes surtout s'il est coupé en 3 + 3 + 3 ; c) Le vers pair de dix syllabes, lorsqu'il est coupé en 5 + 5 se marie mal avec les autres vers pairs. Il s'y allie bien s'il est coupé en 4 + 6 ; Faisons l'essai : "Et rosé, elle a vécu ce que vivent les rosés L'espace d'un matin" Modifions le deuxième vers en dix syllabes avec un rythme 4 + 6 "Et rosé, elle a vécu ce que vive les rosés, L'espace hélas ! / de l'aube du matin". Modifions le maintenant avec un rythme 5 + 5 "Et rosé, elle a vécu ce que vive les rosés L'espace précis / de notre matin" On ressent nettement une cassure du rythme précédent créée par ce 5 + 5. "Simple nuance", direz-vous. Nous répondrons : "Nuance énorme" car ce sont ces nuances subtiles qui façonnent la beauté d'un vrai poème. d) Les vers d'un nombre impair se marient parfaitement avec les autres de syllabes impairs. Bien entendu, les exceptions confirment la règle lorsque l'effet produit est spécialement recherché. Mais, alors, pour que cela ne révolte pas les oreilles sensibles, il faut être fort... ou choyé par sa muse et son inspiration. Ainsi ce petit chef d'oeuvre de Racine en vers de douze, dix, huit puis cinq syllabes : Dieu descend et revient habiter parmi nous. Terre frémis d'allégresse et de crainte, Et vous, sous sa majesté sainte, deux, abaissez-vous ! Esther II est à remarquer, et c'est toute la finesse de l'exemple, qu'après avoir fait littéralement jaillir le terme "Cieux", le poète termine sur un groupe vocal en descrescendo (comme l'ensemble d'ailleurs) de quatre syllabes et donc pair. 70 illustrations illisibles sur un forum
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| | | didier mordu(e)
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| Sujet: Re: Traité de Gilles Sorgel Mer 2 Fév - 17:14 | |
| O ma Proue au coeur neuf ! cambre tes reins rebelles, Concentre dans tes vers l'Espérance éternelle, Allume dans les coeurs des étoiles nouvelles : Qu 'importent les "pieds" quand on a des ailes !... Marcel Chabot "La Proue Septembre 1930" Un vers peut animer en lui tout ce qui fut, Ce qui devient, roulé, tordu, mordu par tous les flux : Arche du bon espoir qu'ont bâti tous les âges ; Fleur dont le poison noir peut pourrir notre sang ; Ronde sauvage des vieux ans ; Baiser de l'Avenir à travers les nuages ; Sourire de soleil qui danse sur les seuils ; Frissonnement, sous le grand vent et sous les souffles emmêlés, De tous les blés ; Rut des marteaux géants sur les enclumes rouges ; L'esprit qui s'affranchit et domine son bouge ; Tous les radeaux tendant leurs bras de suppliants, Tous les écueils, Tous les orages Glapissants, Tous Les Naufrages, Tous les coeurs lourds d'amour que la vie crucifie... Mais lorsque tout s'effondre en la nuit et le sang II est la bulle en qui s'engouffre l'Océan ! Marcel Chabot 72 CHAPITRE 1er VERSIFICATION Amis poètes du XXe siècle ne croyez-vous pas en toute conscience que le vers n'est pas le plus important, qu'il n'est pas essentiel, qu'au fond tout est dans la phrase, dans les images, dans les sons, dans les figures, dans le mouvement ? Que, si des règles infinies existent, le poète devrait les adapter à sa propre personnalité et, de ce fait, se créer ses propres contraintes ? Nous ne pouvons - vous ne pouvez - ignorer la poésie moderne. Nous respirons son atmosphère qui nous imprègne et que nous ne pouvons, inexorablement, rejeter. Le drame est que cette poésie moderne appelle une métrique et une stylistique anarchiques. Certes, nous savons, par un sens artistique issu du plus profond de nos tripes, qu'un beau désordre est un effet de l'art mais... Alors, essayons de comprendre puis d'apprendre afin d'apporter notre modeste contribution à l'édification de ce qui sera, aussi inexorablement, le fleuron de la poésie du XXIe siècle. Car la poésie ne peut demeurer l'esclave de règles désuètes. "Je suis resté dix ans dans une bienfaisante retraite. "Qu'en est-il aujourd'hui ? "C'est d'un oeil amusé que je suis revenu faire un tour en ce monde : Les choses ont-elles évolué ? "Eh bien non ! "Les sansonnets sont toujours là. Les sansonnets, vous connaissez ? C'est aussi une variété de maquereaux si l'on en croit le Larousse. Il n'en manque pas en poésie : prisonniers d'un sacro saint respect des règles "classiques", comme aucun de nos maîtres ne l'a jamais été, ils s'imaginent compenser leur sécheresse poétique par l'application rigoureuse d'un traité de versification plus ou moins bien digéré. Et comme ils ont lu quelque part qu 'un sonnet sans défaut vaut seul un long poème, c 'est inévitablement vers ce genre à forme fixe qu 'ils se précipitent. "Mais à l'autre extrême du tableau, rien n'a changé non plus : toujours la même déraison ! Je ne dirai rien d'Henri MICHAUX qui vient de nous quitter (on aime ou on aime pas...). Mais enfin, c 'est à lui que nous devons tout de même ce pur joyau : "Et glo et glu et dégluti la brue et gli et glo et dégluti ton pieds..." "Moi, je veux bien !... "A quoi bon vociférer !... Au bout du compte, le jugement du bon sens tranchera... "Laissons les vents mauvais siffler sous notre porte et, dans l'intimité de notre monde vrai, cherchons le chant nouveau qui reste à composer. " de Vital Heurtebize que nous citions dans le N°2 de notre revue. 73 CHAPITRE 2 " E MUET " et " HIATUS " O mon Dieu ! qu'il y aurait à dire... L'abbé d'Olivet distinguait deux sortes d'e muets, l'un écrit et l'autre non écrit : "Pour faire ressortir nos consonnes isolées ou finales, nous ne les accompagnons pas toujours de l'e muet. Car nous écrivons David et avide, un bal et une balle, un pic et une pique, le sommeil et il sommeille, mortel et mortelle, un froc et il croque, etc. Jamais un aveugle de naissance ne soupçonnerait qu'il y ait une orthographe différente pour ces dernières syllabes dont la désinence est absolument la même. " Ainsi, de plus en plus, le poète moderne, établissant son rythme sur les sonorités perçues par l'oreille, en arrive à ne plus tenir compte de ce e muet en pratiquant l'apocope et la syncope. L'apocope est la suppression du "e" à la fin d'un mot. Ex : jeuness' comm' D'ailleurs qui prononce encore comme - commeu ? Et les classiques n'écrivent-ils pas "encor" sans e ? Du Bellay, réaliste, ne se gênait pas. Il écrit : EU'fit devant ses jours mourir cruellement. Mais l'apocope en cours de mesure est bien plus délicate et doit être maniée avec art dans le seul but d'obtenir un effet précis. Par contre, quelle différence entre mariée et marié, joues et bijoux ? Lisez et écoutez, également, cet alexandrin de treize syllabes mais de douze en sonorité, l'élision du "e" de suave donnant une sonorité voluptueuse au mot : Où flot / te le parfum // suav(e) / d'un rêve mort 2 4 2 4 La syncope est la suppression du "e" dans le corps du mot. Ex : seul(e)ment - seul'ment. Ce "e" est toujours écrit mais le poète considère qu'en pratique, on ne le prononce pas. Le "e" muet (au fond, ne dit-on pas "e muet" ?) semble, en effet, parfois bien artificiel. Lisez ce vers de Racine : Tremble, m'a-t-elle dit, fille digne de moi. Lors d'une conversation courante, cet alexandrin n'est-il pas un simple octosyllabe ? Trembl', m'a-t-ell' dit, fill' dign ' de moi. Ou, tout au moins, un vers de neuf syllabes si, étant donné sa position, le "e" de tremble a tendance à se laisser prononcer : Tremble, m'a-t-ell' dit, fill' dign ' de moi. Bien entendu, cette élision sous-entendue du "e muet" ne doit être ni abusive ni artificielle. L'apocope (suppession à la fin du mot) à l'hémistiche de l'alexandrin ne choque plus. De même après la coupe d'une césure suffisamment marquée : Une femme est plus belle(e) / que le monde où je vis. Paul Eluard 74 En réalité, cet alexandrin a treize syllabes. En pratique, il se lit comme s'il était régulier. Enfin, je ne vois pas pourquoi, en libéré, nous conserverions ce e plus que muet lorsqu'il suit une autre voyelle (mariée, joues) alors que l'usage l'a aboli de lui-même. Pourtant, trois remarques concernant cet apocope sont à retenir. a) Elle s'effectue tout naturellement avec les mots usuels comme elle, celle, quelle, telle, cette, toute, une, même, comme. b) Elle est particulièrement heureuse quand elle affecte un mot terminé par un "1" mouillé. Leur chair / entre les feuill(es) / s'abîmait / en rosée. 2 4 3 3 Paul Fort "Les Idylles antiques " c) De même entre des consonnes identiques : Un trait de feu... Traversa / les sept cord(es) / de la ly/re vibrante. 3 3 3 3 Paul Fort-d° La syncope (suppression dans le corps du mot), franch'ment, pourquoi pas ? Si seul(e)ment / il faisait / du soleil / cette nuit 4/3 3 3 3 André Breton A la lecture, n'est-ce pas un alexandrin ? De même : Comme un mouv(e)ment d'étoil(es) tourne autour de la nuit Paul Fort "Les Idylles antiques " Je ne vois qu'une règle importante à retenir : éviter la syncope lorsque la suppression du "e muet" met trois consonnes en contact. Cela choque l'oreille, l'effet produit est désastreux et le vers, de ce fait, boite. Ex : seul'ment se comprend just'ment choque. Il doit conserver sa forme originelle de jus-te-ment. Une dernière remarque : peu de vers pairs demandent l'élision. Par contre, les vers impairs la sollicitent souvent et parfois l'exigent. Poètes libérés, dans une métrique libérée, remplaçons les yeux par l'oreill e. L'HIATUS est interdit par les classiques en fin de mots. Pourquoi l'acceptent-ils à l'intérieur ? Ou avec le h aspiré alors que le son obtenu, en réalité, est affreux ? "Il y a" est interdit mais ils acceptent "camélia" comme ils acceptent "nez aquilin" à cause du "z". Que vient donc faire le z en cette galère ? Le poète moderne qui reste un musicien du vers, doit se situer au-dessus de ces règles dans ce qu'elles ont d'illogique pour éviter de telles absurdités. De grands poètes, dès le symbolisme, ont ignoré cette interdition du hiatus et le résultat, souvent, ne fut pas joli. Ne les imitons pas. Nous serons chacun un... Georges Guhamel "Adieu du compagnon de voyage" II y a aussi un vieux buffet Francis Jammes "La Salle à manger" 75 Et elle allait, et elle allait Et puis j'ai regardé ailleurs Pierre Reverdy "Arc en ciel" Par contre, l'hiatus, instrument stylistique, dominé par le poète, peut lui permettre d'obtenir de nombreux et magnifiques effets pittoresques aux nuances suivantes : 1) Rupture - cruauté - brutalité : Fuyons cette banlieue atroce où tout commence Aragon "Plus belle que les larmes" 2) Dissonnance : Je courus / Et les Péninsules démarrées N'ont pas subi tohu-bohu plus triomphants Rimbaud "Le Bateau ivre " 3) Liaison - durée - paresse : Tu vis un dieu lié à toute l'eau sonore. Paul Fort "Idylles antiques" 4) Rebondissement, écho, supplication : Etourdie, ivre d'empyreumes, Ils m'ont... Valéry "La Pythie Je vous supplie, Ô Polymmie, Ô immortelle. La vérité où donc est-elle ? G. S 5) Souplesse - sinuosité - volupté : Heureuse, tu te fonds aux feuilles si tu es Dans le fluide vole à jamais littéraire, Traînant quelques soleils ardemment situés. Valéry "Valvins" 6) Lumière : A l'entrée, ébloui par ce front de lumière Sur mes genoux tremblants, je tombais sur la pierre Lamartine "Jocelyn " En conclusion, l'hiatus provoque une rencontre de deux sons qui peut produire une sonorité agréable ou désagréable. Si elle est désagréable, d'instinct, le poète même "libéré" se l'interdit. Si elle est expressive ou agréable, il se le permet. Le poète doit plus de confiance à son oreille qu'à l'Institut phonétique... Mais, d'abord, il faut être poète. Georges Duhamel et Charles Vildrac 76 | |
| | | didier mordu(e)
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| Sujet: Re: Traité de Gilles Sorgel Mer 2 Fév - 17:18 | |
| CHAPITRE 3 DIÉRÈSE Je ne peux mieux faire que de citer un extrait de "La poésie en question" de Marc Cazalis (les presses du Monteil) pages 80 et suivantes : Pourquoi donc cet abus de diérèse qui sévit tout au long de l'oeuvre de nos trois grands classiques ? Je suppose que c'est parce que tous les trois grands écrivaient, pour le théâtre, des vers qui devaient être dits et non lus ! Or, si l'acteur veut être entendu jusqu'aux places les plus éloignées de la scène, il faut qu'il accentue très nettement, même avec exagération. Très souvent, une certaine emphase est de rigueur. D'autre part, il est certains cas où l'on sent le besoin d'allonger le vers au maximum pour faire ressortir telle ou telle nuance (toujours, lorsqu'il s'agit de vers écrits pour être dits et non lus), et lorsqu'il m'arrive encore de réciter le monologue d'Octaves Pradelles "Barbasson", quand je raconte que j'ai eu au bout de mon fusil "un lion... épatant" : "cinq mètres pour le moins de la tête à la queue !" Je traîne et je m'appesantis sur l'i de lion pour bien suggérer les dimensions inusités du monstre. Mais tous les lions n'ont pas cinq mètres... Et, d'ailleurs, ça n 'explique pas tout. Les autres diphtongues se trouvent bien en face des mêmes problèmes et leur traitement est cependant différent. Alors ??? Je crois aussi pouvoir supposer qu'au XVIIe siècle, on parlait moins vite que maintenant, à la cour du moins, et que la noblesse du discours en usage dans un tel cadre devait exiger ce ton emphatique dont je parlais plus haut. Nos habitudes ont changé depuis, notre élocution comme le reste et, en ce XXe siècle finissant, il y aurait une certaine affectation - et une affectation certaine - à prononcer révolucillon, nacillon, unillon, etc. Dans le langage courant autour de moi, jamais je n'ai entendu personne "diéréser" les diphtongues. ... Abuser de la diérèse constitue un anachronisme. Il y a cependant un cas fréquent où la diérèse s'impose. C'est quand la diphtongue est précédée de deux consonnes à prononciation différente, ce qui la rend pratiquement imprononçable d'une seule émission de voix, comme crions, prions, oublions, histrion, etc.. Prononcer "crions" en une seule syllabe serait, pour moi, un tour de force dont je me sens incapable. Puis il nous fait remarquer que même M. Nicolas Boileau - Despréaux en prenait à son aise au sein même de son "Art poétique". Ne compte-t-il pas "fier" tantôt pour une syllabe (chant III vers 110 et chant IV vers 218) tantôt pour deux (chant III vers 134) ? Mais Marc Cazalis a poussé la conscience professionnelle plus loin. Il continue : Je viens de passer près de six semaines à relire cinq tragédies de Corneille, toutes celles de Racine ainsi que Les plaideurs, sept comédies de Molière, 224 pages de La légende des siècles, trois longs poèmes de Musset (Namouna, Rolla et Mardoche) et les Fleurs du mal. Ce travail m'a permis de faire quelques constatations... ... Voyons le tableau suivant : Diphtongues Diérèses Synérèses ion 341 21 ieu, ieux, ieur 204 609 ié, ier, ière 227 850 ien, ienne 94 600 ui, oui 59 622 ia, io, ian, iel, ouet 175 117 Je constate, hélas ! que la sagesse tient une bien petite place dans les usages qui ont pris figure de tradition puisque je n 'ai encontre que cinq mots qui aient la liberté de voir leur diphtongue tantôt subir la diérèse, tantôt jouir de la synérèse, selon le tableau suivant : 77 Mots Diérèses Million 11 fois Hier 8 fois Suicide 2 fois Miasmes lfois Fier (chez Boileau) lfois Synérèses lfois 6 fois 2fois lfois 2fois D'autres constatations m'ont poussé à croire que je suis atteint d'un défaut de langage. Si, en effet, je suis ahuri de voir duel être toujours compté pour une seule syllabe, alors que le sens et la forme du mot me semble en exiger deux, j'éprouve une certaine difficulté à ne faire qu'une syllabe de bruit, fruit, pluie, et deux de autrui, détruit, instruit, etc.. qui sont toujours soumis à la synérèse, alors que ruine, qui se prononce très facilement, pour moi, d'une seule émission de voix, se voit invariablement massacré par une diérèse inexplicable. ... Pourquoi deux se prononce-t-il, normalement, en synérèse alors que tous les mots se terminant par deux, sieux, tieux se voient imposer la diérèse ? Pourquoi la diphtongue ieu est-elle respectée dans dieu et adieu, alors qu'elle est coupée dans odieux et radieux ? ...Ce sont là des anomalies insoutenables. Et il conclut : On me rétorquera : c'est l'usage, donc : la tradition ! La tradition a force de loi ; il faut s'y soumettre. A quoi je répondrai : quand on reconnaît qu'une loi est mauvaise, alors on l'abroge ! En pratique, nous constatons que certaines suppressions de diérèse alourdissent désagréablement la sonorité des mots ou choque l'oreille. Il faut alors les maintenir. Ainsi, La Fontaine écrit : Les traits dans sa fable semés Ne sont en l'ouvrage du poète (pouéf) Ni tous ni si bien exprimés et ailleurs : Le po-ète d'abord parla de son héros. Franchement, que préférez-vous : être un po-ète, ou un pouéf ? Et si, dans un même poème, vous optez pour l'une ou l'autre solution, n'en changez pas. Ainsi, j'ai lu récemment, dans un même vers deux mots "à diphtongue" dont l'une était comptée pour deux syllabes et l'autre pour une seule. L'effet était des plus désagréables, j'allais presque écrire : désastreux. Nous ne pouvons nier l'harmonie mélodieuse de certaines de ces diérèses comme dans ce vers de Leconte de Lisle : "Les vi-olettes d'Lonie". Ainsi Paul Valéry précisait qu'il appliquait la diérèse à l'encontre des règles dans la syllabe du mot ti-ède du vers suivant "pour donner une impression plus voluptueuse. " Ah ! Plus nue et qu'imprègne une prochaine aurore, Si l'or triste interroge un ti-ède contour... Nous en revenons ainsi à la conclusion du chapitre précédent. Il n'y a ni règles ni anti-règles strictes, c'est le poète qui, s'il s'adapte à la prononciation, d'ailleurs souvent imprécise, de son temps, doit éviter les excès et "sentir", d'instinct, ce qu'exige Dame POÉSIE dans ce qu'il compose. 78 CHAPITRE 4 LA RIME Théodore de Banville, dans son petit traité de Poésie Française, a pu dire très sérieusement : "La rime est l'unique harmonie du vers et elle est tout le vers... La rime est seule et elle suffit... L'imagination de la rime est, entre toutes, la qualité qui constitue le poète. On n 'entend dans le vers que le mot qui est à la rime. " II est autre chose que la forme dans la poésie, que défaire rimer Germaine avec inhumaine, chose avec rosé, vainqueur avec liqueur et vaincu avec ce qu'on voudra. La forme et le fond pour nous ne sont qu'un : un bouquet de rythmes que seul discipline le goût. "Vers" n'est pas synonyme de rime mais de rythme, de ce mouvement innombrable, fluide, qui se concrétise dans la Nature asymétrique. Le rythme, c'est l'âme. Il y a tout un monde entre ceux qui se rallient en moutons de Panurge, autour de la bannière banvillesque et ceux, dont nous sommes, qui leur opposeront l'avis du grand Verlaine, du pauvre, de l'impérissable Lelian : Car nous voulons la Nuance encore, Pas la Couleur, rien que la nuance ! Oh ! la nuance seule fiance Le rêve au rêve et la flûte au cor ! Prends l'éloquence et tords lui le cou ! Tu feras bien, en train d'énergie, De rendre un peu la rime assagie, Si l'on n'y veille, elle ira jusqu'où ? Oh ! qui dira les torts de la Rime ? Quel enfant sourd ou quel nègre fou Nous a forgé ce bijou d'un sou Qui sonne creux et faux sous la lime ? Marc Chesneau "La Proue 1930" Nous ne proscrivons pas la rime, nous la libérons, nous la réduisons parfois et volontiers à l'assonance ; nous évitons le coup de cymbale à la fin du vers, trop prévu, mais nous soutenons notre rime telle quelle par des assonances, nous plaçons des rimes complètes à l'intérieur d'un vers correspondant à d'autres rimes intérieures, partout où la rythmique nous convie à les placer, la rythmique fidèle au sens et non à la symétrie ou, si vous voulez, une symétrie plus complexe qu'à l'ordinaire. Gustave Kahn "Préface Palais Nomades" La poétique comporte maintenant d'autres protagonistes. La rime est un acteur dont l'emploi reste dans ce qu 'on appelle, au théâtre, les utilités. Georges Duhamel et Charles Vildrac II est indéniable que nombre de réglementations classiques ne sont plus de notre siècle par leurs interdictions contraires à la notion même de la rime qui est une question de son, par les obligations qu'elles entraînent et qui paralysent. Banville avoue lui-même, dans son "petit traité de poésie française" que lorsque les rimes sont trouvées d'inspiration, les deux vers se complètent à grand renfort de chevilles qu'il faut dissimuler en faisant croire qu'elles sont venues d'elles-mêmes. En fait, il faut remarquer que les classiques modernes sont plus stricts que les classiques dont ils se 79 réfèrent. Racine, dans Les Plaideurs, fait rimer robe et garde-robe... Corneille fait rimer six fois, Racine 34 fois, Molière six fois fils (fiss) avec des mots se terminant en is et prononcé i... Molière fait rimer cher et toucher, Corneille enfer et triompher, fer et triompher, empêcher et cher, dissimuler et en l'air, Racine cher et chercher etc.. Il fait même rimer fourmis et trente six... Ne vaut-il pas mieux pratiquer l'assonance ou même pas de rime du tout que des rimes détestables, banales, sottes et vulgaires ? L'assonance était d'ailleurs très employée au moyen âge. Ce sont les classiques qui l'ont prohibée arbitrairement. Pour les néo-classiques un seul critère demeure : l'oreille. Comment comprendre que "formuler" et "stimulé" ne puissent rimer ensemble ? Pourquoi seraient-ils des rimes impossibles alors qu'ils se prononcent de la même façon et on ne peut mieux ? Chaque poème est original et sa valeur c'est l'originalité de la pensée et l'originalité de la forme. Dans le même ordre d'idée, pourquoi refuser de marier les singuliers et les pluriels s'ils ont même consonance ? Et pourquoi pas "Bercail" et "muraille". Pourquoi l'une serait-elle masculine et l'autre féminine alors qu'elles ont toutes deux une consonance féminine ? Comme "vide" et "David". De même "Marie" et "mari", alors qu'elles ont toutes deux une consonance masculine. Comme "mariée" et "varié". Surtout si l'ensemble est renforcé, au long du vers, par des assonances et des allitérations qui forment échos et créent l'harmonie de l'ensemble. Une rime masculine ne peut être suivie d'une rime masculine différente et cela se comprend comme élément mélodique du poème, mais ne serait-ce pas respecter l'esprit de la règle que de faire alterner des rimes par alternance consonantique et vocalique ? Ainsi, Verlaine dont les deux rimes théoriquement féminines sont, en pratique, pour l'oreille, l'une masculine, l'autre féminine : L'ombre des arbres dans la rivière embrumée Meurt comme de la fumée, Tandis qu'en l'air, parmi les ramures réelles, Se plaignent les tourterelles. Pourquoi ces deux vers de La Fontaine ne formeraient-ils pas deux rimes masculines, comme cou et coup ? Je suis âne, il est vrai, j'en conviens, je l'avoue ; Mais que dorénavant on me blâme, on me loue... Par contre, pourquoi "mène" et "hymen" ne formeraient-elles pas deux syllabes féminines ? Comme bal et balle, pic et pique, par alternance des sonorités finales ? On en arrive ainsi à remplacer l'opposition des rimes masculines et féminines par opposition des rimes vocaliques et consonantiques. L'heur est léger, longue est la peine Mais partout partent les pollens Pour de futurs étés toujours beaux. Aragon "La rime en 1940" Voici d'autres exemples de vers dont les rimes sont en réalité toutes masculines et identiques : Elle plongea d'abord sa poupe et puis sa proue, 80 Mon pavillon noyé se montrait en-dessous, Puis elle s'enfonça tournant comme une roue, Et la mer vint sur nous. A. de Vigny Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois. - A ces mots, le corbeau ne se sent pas de joie Et pour montrer sa belle voix II ouvre un large bec, laisse tomber sa proie. La Fontaine L'alternance des masculines et féminines c'est bien, c'est très bien, certes mais, si leur non respect permet d'obtenir un résultat excellent, pourquoi ne pas y déroger ? Une suite de rimes masculines différentes qui se suivent, pourquoi pas, si l'harmonie rythmique le demande par sa dureté et sa sécheresse ? Une suite de rimes féminines différentes qui se suivent, pourquoi pas, si l'harmonie rythmique le demande par sa légèreté et sa douceur ? Théodore de Banville termine comme suit son poème d'Erinné, dans les Exilés : Et j'ai rimé cette ode en rimes féminines Pour que l'impression en restât plus poignante, Et par le souvenir des chastes héroïnes Laissât dans plus d'un coeur sa blessure saignante. Certains pratiquent non seulement l'assonance mais, plus indirectement, l'homophonie consonantique ou contre-assonance ou les deux. Ex : L'autel bas s'orne de hautes mauves. La chasuble blanche est toute en fleurs. A travers les pâles vitraux jaunes. Le soleil se répand comme un fleuve. Verlaine Puis plus complexement et, à notre avis, bien moins harmonieusement : Ni le soir calme ni ces palmes immobiles Ni les astres montant comme de lentes bulles Rien ne me distraira de la source où se mire Son blanc visage au vert de la fraîche ramure. T. Derème Deux conseils pour terminer ce chapit re : 81 1) Si vous ne respectez pas la découpe, au moins pour l'oreille, des vers classiques, ne conservez pas intégralement les rimes. Le résultat en est le plus souvent désastreux, l'ensemble produisant, en effet, un aspect de brouillon qui n'aurait pas été corrigé. 2) Si vous écrivez sans rimes ni assonance, cassez de temps en temps le rythme et parsemez-le aux bons endroits, de quelques assonances qui tinteront alors comme des perles. | |
| | | didier mordu(e)
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| Sujet: Re: Traité de Gilles Sorgel Mer 2 Fév - 17:20 | |
| CHAPITRE 5 RYTHME et VERS Les classiques n'ont pas utilisé de vers supérieurs à douze syllabes. Pourtant le vers de treize syllabes (5 + l'était déjà par Scarron : Jetons nos chapeaux / et nous coiffons de nos serviettes. Et tambourinons /de nos couteaux sur nos assiettes... Verlaine s'en sert également, le plus souvent en 7 + 6 : 5 + 8 Ma voix hurlerait /parmi le choeur des voix des justes. 7 + 6 Ivre encor du vin amer / de la terrestre vigne 7 + 6 Elle pourrait offenser / des oreilles augustes Verlaine écrivait : De la musique avant toute chose, Et pour cela préfère l'impair Plus vague et plus soluble dans l'air, Sans rien en lui qui pèse et qui dure. C'était son avis mais, surtout si vous êtes débutants, ne l'écoutez pas. Le vers impair, plus vague et plus soluble dans l'air, peut-être ; c'est même certain, mais pour y réussir il faut être très fort. D'ailleurs, un vers impair est composé d'une partie impaire, certes, mais aussi d'une partie paire et nous avons vu dans la découpe des différents vers que ceux-ci étaient plus mélodieux lorsque c'était la deuxième partie qui était paire. Le plus mélodieux, c'est le vers pair. C'est pourquoi, nous aimons tout particulièrement le vers de quatorze syllabes (6 + . Au sourire de cendre /, on entend sangloter une âme. Marcel Chabot Oh ! la chaude cares/se d'une flamme sur nos yeux. G. S. Le vers de quinze syllabes, à la rythmique ternaire (5 + 5 + 5), apparaît à un point culminant d'un poème, dans une sublime envolée. Il y avait moi, parmi tout cela, Un peu celui-ci, un peu celui-là, II y avait moi, Le rêve tendu, me désespérant, vers des archipels. Charles Vildrac Mortes sont les fleurs / que les cris joyeux / accrochaient aux branches. Marcel Chabot Le vers de seize syllabes (8 + très mélodieux lorsque les deux octosyllabes ne demandent pas à être séparés : O toi qui fis le jour plus jeune / et moins pesante la matière... Et que ton vers fasse craquer / l'écorce grise de la vie. Marcel Chabot 82 Puis celui de dix huit syllabes (6 + 6 + 6) La vie était en nous /ainsi qu'une oasis /aux sourires de source. Marcel Chabé Enfin, il y a ceux qui ne compte plus car ils rejettent tout mais qui, bien trop souvent, ne nous présentent que des découpes banales et maladroites d'une prose qui n'en est plus une et qui, malheureusement, n'est plus, non plus, de la poésie. Marcel Chabot écrivait : Qu'importe les pieds quand on a les ailes ! Oui, mais, au moins, faut-il avoir des ailes... Et les règles classiques, alors, sont le meilleur tremplin pour nous aider à nous envoler : On ne s'adonne pas, de parti pris, soit au vers libre, soit au vers régulier. Le vers régulier fait partie de notre liberté... Georges Duhamel et Charles Vildrac Pour clore ce chapitre voici un extrait "des dieux qui sont en nous" de Marcel Chabot (1935) Fais luire des reflets de lune bleue Dans les résilles du poème Mais n'aligne pas deux par deux Les rayons bleus. Oppose à la ligne revêche, Au prêche, A la ligne trop rectiligne La liberté. Sois libre dans tes vers pour libérer l'idée De la gangue de nuit qui cherche à l'étouffer. Et que ton vers fasse craquer l'écorce grise de la vie. Le vers libre est le vers ailé de la sensibilité, nuancé comme un lys qui bleuit à la ceinture de la nuit, orchestré comme la tempête et le jazz rageur des orages qui dispersent sous leur fouet la ronde bleue des heures sages. Il colle à la pensée comme un voile léger sur un corps souple de danseuse. Il est le tremblement d'ailes 83 des feuilles dans le vent. CHAPITRE 6 CÉSURE - HÉMISTICHE - ACCENT Nous dirons peu de choses sur ce chapitre, rappelant seulement qu'il ne faut pas croire que les poètes modernes, pour la plupart, aient supprimé la césure ou les coupes. Elles sont des éléments indispensables à l'harmonie. Un poète ne peut s'en passer. Nos poètes modernes les accentuent au contraire en démontant leurs vers, suivant leurs coupes, en vers plus petits. Marcel Chabot écrivait sous le titre "Le vers libre n'est pas un vers invertébré" : A travers les chemins tout poudrés de poussière, Crevassés par l'hiver, Les pas légers du vers Font des toc-toc égaux. Soudain, l'accent tonique A grands coup de sabots Sonne Et marque mieux Le chemin creux. CHAPITRE 7 ENJAMBEMENT - REJET En poésie libérée conservatrice et ultra, le problème de l'enjambement ne se pose plus puisque le poète module son vers, l'allongeant ou le raccourcissant suivant les besoins du rythme qui lui est propre. En poésie néo-classique, il se pose évidemment et le poète doit être très prudent s'il ne veut pas détruire l'harmonie de son rythme par un emploi immodéré de cet enjambement. Je vous laisse méditer sur cette phrase de Georges Duhamel et de Charles Vildrac (notes sur la technique poétique) : ... Les vers de 13, 14, et 15 pieds font définitivement justice à l'enjambement qui leur a donné droit de citer - de tout enjambement non exigé par le mouvement. 84 CHAPITRE 8 STROPHES Que dire sur les strophes ? Le poète néo-classique ne peut négliger les règles établies s'il veut conserver rythme et harmonie. Le poète "libéré conservateur" ou "libéré ultra", bien entendu, n'en a que faire. La strophe se cisèle au gré de son caprice dicté par son idée. Elle peut être un seul vers et même un seul mot. Marcel Chabot écrivait : La strophe est la vie orchestrée Et il continuait : Chaque vers file sa lumière Au rouet chantant de la strophe. Une strophe est une pensée Colorée Qui se déroule Entre des haies Tout étoilées De chants. C'est l'élan des sillons parallèles Qui montent à l'appel du soleil. La strophe est comme une famille Attentive à se rassembler Qui sent battre son coeur unique Au rythme multiple Des coeurs. Chaque strophe a sa musique, Sa couleur, son atmosphère, Son arôme, sa lumière. Bâtis solidement ta strophe Avec le bon mortier des mots ; - Chaumine, bourrine ou château, Chaux ou granit, marbre ou torchis, Bâtis ta strophe. Mais laisse chanter les oiseaux Et le printemps nouveau Dans les corniches, Et que la brise Dans les frises Joue et se niche. - Insuffle ton souffle à la strophe Et que cernée en sa vie propre La strophe soit la Walhalla Ou, sur les lèvres ... deux, trois "la". Une strophe peut être un vers Isolé Comme un petit dieu solitaire Au fond d'un grand parc mouillé ! 85 CHAPITRE 9 POÈMES A FORME FIXE De même que pour les strophes, le poète néo-classique ne peut pas ne pas observer les règles établies s'il veut composer, à sa manière, un de ces poèmes à forme fixe. Nous parlons des règles particulières à chaque poème dans l'ordonnancement des strophes entre elles et en elles-mêmes. Pourquoi en effet le poète néo-classique ne pourrait-il pas réussir ainsi de petits chefs-d'oeuvre puisqu'il a la chance de posséder un moule splendide sans être brimé par les carcans qu'il rejette ? Nous allons faire hurler les classiques inconditionnels mais croyez vous franchement, si nous parlons poésie pure en son sens le plus classique, qu'un poète néo-classique ne puisse réussir un sonnet parfait par sa conception, sa composition, sa valeur expressive et sa musicalité même si le singulier voisine le pluriel, si la rime masculine possède un "e" plus que muet et si la rime féminine, elle, n'en a pas ? Non, vous ne me croyez pas ? Alors, faîtes l'essai. Discrètement. Au cours d'un récital, faîtes voisiner, sans le dire, de bons sonnets classiques avec de bons sonnets néo-classiques et mesurez les applaudissements ... Nous parlons du sonnet mais cela reste valable pour tous les poèmes à forme fixe. La poésie néo¬classique ne veut surtout pas les supprimer mais les utiliser et les adapter, les rendant d'accès plus facile sans leur faire perdre ce qui fait leur valeur poétique. Comme pour les strophes, le poète "libéré conservateur" ou "libéré ultra" n'en a que faire. Ce ne serait que des éléments de discorde. CHAPITRE 10 DU VERS LIBRE CLASSIQUE Ce chapitre traite d'une règle très importante qui régit l'harmonie dans l'assemblage et la juxtaposition des vers de longueur différente. Aucun poète, de quelque tendance qu'il soit, ne peut l'ignorer. Cela fait partie de ce "quelque chose" indispensable "au métier". 86 | |
| | | didier mordu(e)
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| Sujet: Re: Traité de Gilles Sorgel Mer 2 Fév - 17:25 | |
| TROISIEME PARTIE
STYLISTIQUE SOMMAIRE
Si l'on vous posait, à l'improviste, cette question : - A quoi vous fait penser le mot POÉSIE ? - Vous répondriez très certainement : "musique" ou "harmonie". Déroule au long des vers tes courbes musicales Marcel Chabot En effet l'harmonie c'est-à-dire la musique du vers est certainement l'élément le plus important de ce qui compose la vraie poésie. Réussir à créer l'harmonie ce n'est pas obligatoirement composer des vers mélodieux, coulants et faciles mais des vers qui expriment parfaitement par l'image et le son ce que le poète pense et ressent. Un véritable poème doit exprimer quelque chose ; ce ne doit pas être, même belle, une carcasse creuse. Nous en avons assez de ces éructeurs de mots Dont la pensée est aussi vide qu 'un tombeau Marcel Chabot Lorsqu'elle n'est pas fécondée Par le sentiment ou l'idée, La phrase la plus étoilée Et dans l'or fin la mieux coulée N'est qu 'un royal manteau Drapé sur un squelette Une momie en son tombeau Ficelée en ses bandelettes. Marcel Chabot Trottant dans les brancards comme un cheval martyr, La rime est bien commode à qui n 'a rien à dire. Marcel Chabot 88 C'est cela justement la pierre d'achoppement de la poésie libérée : plus qu'en toute autre, l'idée y est indispensable. Je ne vois pas comment un poète moderne pourrait composer un poème valable s'il n'a rien à dire puisqu'il doit justement se créer sa propre structure rythmique en fonction de ce qu'il veut exprimer. LE RYTHME ! Et qui dit "rythme" sous-entend "technique". Puissent les quelques glanes qui vont suivre aider le poète novice ou faire resurgir, chez le poète chevronné, quelques souvenirs égarés dans les brumes de l'oubli. Ecoutons d'abord Marcel Chabot : Le rythme Sous les sons ruisselants des orgues de Hugo que le rythme de Verhaeren à la nuance de Verlaine se joigne. Dans une ardente symphonie poète donne-nous le tonnerre des orgues, le chant noir de Baudelaire, les sons hérissés de Laforge ; donne-nous les hoquets de suie des monstres goulus des cités, et puis étouffe les sous les cris de lumière des grands oiseaux "defeu" qui crèvent l'horizon. - Tout suant de peine, humain et lunaire file ta lumière. Le poème plein de gemmes qu 'enflamme la magie des mots sans le rythme est une momie endormie en la nuit du tombeau. Le rythme c'est l'élan, la verve du poème. Le repos est l'ombre immobile des tombeaux. L'homme n 'est que ce qu 'il devient. Et le rythme est son allégresse. Le rythme n'est pas un ronron, la même voix, le même souffle qui s'essouffle au même endroit. Le rythme c'est la veine où court le beau sang du poème. Le rythme est l'allant, l'accent, le chant cadencé, le souffle même du poème. Le rythme est l'aimant qui de la limaille des mots qu 'il lie fait de l'harmonie. Le rythme est le grand vent qui dans son chemin bleu happe les oiseaux blancs et de tous leurs cris fait un chant. Le rythme est le torrent, le dynamisme des pensées, et nuancé, vif ou heurté, 89 c'est le flux même de la vie. Enferme dans le sortilège des "andante" et des arpèges de blonds cheveux d'enfants flottant sur une page et les muscles bandés des moteurs haletants. Rythme les bonds du coeur battant et que le vers vibre et trépide ou soit l'étang dolent tout moussu de silence. Donne-toi parfois le temps d'être heureux. Et que ton rythme s'assouplisse et glisse comme le brouillard au pied blanc sur l'étang... En poésie moderne, s'il n'y a plus ou presque plus de rimes, quelque chose demeure qui fait que ce n'est pas de la prose mais des vers : le rythme. Mais là, le rythme ne s'impose pas de lui-même. Il faut le chercher. Si on ne le trouve pas, il n'y a plus de vers et encore moins de poésie. L'utilisation de l'accent est primordial. L'accent du mot lui-même (dernière syllabe ou avant dernière si la dernière est muette) et l'accent du groupe de mots : 5 5 5 Un beau sonnet, une belle rosé La fleur rosé était belle ... C'est la répétition et l'enchaînement de ces accents qui forment le rythme, rythme individuel puis série de rythmes individuels par groupes rythmiques ayant des rapports perceptibles entre eux. Ce rythme, en classique, est réglementé ce qui a fait dire à A. Thibaudet : Le Parnasse a contribué à faire de la poésie, sinon un métier, du moins un exercice attrayant et, en somme, facile. Le poète libéré, lui, ne doit compter que sur soi. C'est pourquoi il doit "apprendre" car il faut être fort, en cette fin du XXe siècle, pour être un bon poète moderne. Cet enchaînement rythmique perceptible à l'oreille doit se retrouver même dans le verset qui s'assimile alors au vers. Sinon ce n'est plus de la poésie, ce n'est qu'un alinéa de prose. Souvent, pour faire ressortir l'accent, le poète moderne procède à un découpage métrique : L'eau, 1 ) Toujours s'en vient trouver l'eau 7 ) Composant une goutte unique. 8 Ce que le classique utilise par le rejet et le contre-rejet (voir ce chapitre). Pensez au déplacement de l'accent qui crée une surprise, une sorte de déséquilibre momentané parfois appelé "syncope". Lassé des mots / lassé des livres, Je veux le glaive / enfin qui taille Ma victoi / re dans la bataille. Verhaeren "Les Visages de la Vie" Pour faire ressortir ce principe, Henri Morier nous demande de comparer le vers plein : 90 Des poings houleux / et des combats / exaspérés 4 4 4 avec le vers "syncopé", autrement expressif, énergique et tourmenté : Des poings houleux / et des lut / tes exaspérés 4 3 5 Pensez également au rythme descrescendo ou "catalexe" de certains mots ou de certains groupes de mots. Relisez le dernier des quatre vers de Racine à la fin du chapitre 10 "du vers libre classique". Car il avait au fond trouvé l'éternité Victor Hugo On obtient également, ainsi, des effets de lyrisme, de grandeur, de majesté : Tyr, Heliopolis, Solyme, Césarée Victor Hugo Ou de solitude, d'absence, d'abandon : Anxieuse d'azur, de gloire consumée Paul Valéry "Air de Sémiramis" En marge des accents, il y a les syllabes, syllabes faibles ou fortes, brèves ou longues que l'on doit "sentir" dans un vers moderne et que nous étudierons en détail plus loin. Et, de là, ce fameux "e muet" qui oppose tant les modernes et les classiques, un des points les plus importants de ce désaccord étant justement le fait que trop souvent, les règles traditionnelles sont en conflit avec la diction courante de nos jours : "comme si" n'est-ce pas "comm'si" ? Sarah Bernardt en fut l'exemple vivant qui surprit tout le monde au début du siècle quand on effectua les premiers enregistrements phonographiques. On s'aperçut, avec stupeur, qu'elle transformait involontairement certains vers en treize et quatorze syllabes alors que l'oreille percevait de purs alexandrins. Parmi les syllabes fortes et expressives, citons l'anacrouse. "L'anacrouse" est un terme musical qui désigne les notes initiales d'un rythme qui précèdent la première barre de mesure et mènent au premier temps fort. En poésie, c'est la syllabe accentuée qui sert de prélude à la cadence rythmique, une monosyllabe dynamique. N'oublions pas ces exemples : II faut / que je le vois / Ah ! Seigneur / nous voici" Racine "Bérénice " Ni Le marin, m Le poisson qu'un autre poisson à manger Entraîne, mais la chose même et tout le tonneau et la veine vive, Et l'eau même, et l'élément même, je joue, je resplendis ! Je partage la liberté de la mer omniprésente ! Claudel "Grandes Odes", "L'esprit et l'eau" Pour compléter ce problème d'accent et de rythmique, repensez à l'importance de la diérèse et revoyez ce chapitre. Jean Mazaleyrat écrit (élément de métrique française) : 91 La diérèse étale, déroule plus largement le mot sur le vers ; la synérèse le fait passer plus vite, à la manière de la prose. La diérèse, dans la diction conservatrice et ralentie qu 'elle implique, épanouit le mot et le solennise, tantôt avec noblesse, tantôt avec douceur. La synérèse l'abrège et le durcit. Voyez ce vers magnifique de Baudelaire comprenant le mot "miasmes" sans diérèse, complété par les sons oi, ien, oin, morb. Eloigne-toi bien loin de ces miasmes morbides N'oubliez pas les "coupes" expressives du vers. Ex : Un fou... ...En vain monte à cheval pour tromper son ennui : Le chagrin / monte en croupe / et galope / avec lui. Boileau "V épitre" Fuyard, / blessés, / mourants, / caissons, / brancards, / civières, On s'écrasait aux ponts pour passer les rivières. Victor Hugo "L'expiation " Ni les combinaisons de vers différents : La tempête s'éloigne et les vents sont calmés. La forêt qui frémit, pleure sur la bruyère ; Le phalène doré, dans sa course légère, Traverse les prés embaumés. Alfred de Musset "Le Saule" Un élément fort utilisé dans la poésie moderne est le rappel rythmique appelé aussi constante rythmique ou accent d'impulsion qui revient régulièrement dans une suite de vers et donne une cohésion à l'ensemble : Un visage à la fin du jour un berceau dans les feuilles mortes du jour un bouquet de pluie nue tout soleil caché toute source des sources au fond de l'eau tout miroir des miroirs brisés... Paul Eluard Si je meurs moissonné par la vie, fauché par la durée, si je meurs d'avoir oublié l'heure, aux détails tristes de la vie ... George Kahn Ainsi, nous remarquons que si la versification classique risque de tendre à la monotonie rythmique, le vers libéré, lui, à l'opposé, est dynamique. Frédéric Deloffre (Le vers français) précise : Si l'on approfondit la différence de nature entre le vers classique et le vers libre ou libéré ; on s'aperçoit notamment, grâce à l'analyse des renseignements, que le rythme du premier est, certes, relativement varié : mais varié à l'intérieur de certaines limites étroites. Soit le vers de Racine : 92 | |
| | | didier mordu(e)
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| Sujet: Re: Traité de Gilles Sorgel Mer 2 Fév - 17:25 | |
| "Que de soins m'eût coûté cette tête charmante, " Le compte de chaque syllabe (en centième de seconde) donne les résultats suivants : 14. 12. 32/21. 23. 29. / 22. 9. 35./8. 28. 38. C'est-à-dire que chaque mesure comporte une progression de la durée syllabique qui emporte la diction vers la dernière syllabe et que le schéma propre à chaque mesure se répète, pour l'essentiel, de mesure en mesure, puis de vers en vers. Pour casser cette monotonie, il faut surveiller les successions de rimes isomètres, c'est-à-dire de rimes comportant le même nombre de syllabes (indigence - négligence, savoir - devoir, cieux -dieux) puis utiliser, de préférence, des rimes hétéromètres, c'est-à-dire des rimes comportant des nombres de syllabes différentes (agence - indigence, voir - savoir, cieux - délicieux) ce qui est généralement générateur d'effet mélodique frappant. Même jusqu 'à Madagascar Son nom était parvenu, car... Banville En pratique, ce qui compte c'est ce que recommande Marcel Chabot : 93 "Que chaque vers ait le son de ton coeur Et - rythme, élan, chant et couleur -qu'il fasse éclore en d'autres coeurs Les bourgeons grelottants du rêve... " LE SYMBOLE - L'IMAGE De Marcel Chabot : L Le symbole donne au réel son clair visage irradié. E S C'est un halo qui rend chaque chose plus elle Y et tout être plus jeune, ingénu, M plus nu, B plus sexué, O plus pareil à sa vérité L C'est le pollen coloré E qu 'aux lèvres du réel les rêves ont collé. L'image Le poète est un créateur de sympathies Poète Reflète en les eaux claires du poème Le beau visage nu de l'amour qui va naître. Une image est un pont jeté entre les choses, C'est un appel auquel un coeur secret répond ; Une image est un pont d'amour entre les choses. Sois ébloui, Sois ingénu, Le monde ému te prendra dans sa ronde... D'Aragon (Traité de style) : La poésie est par essence orageuse et chaque image doit produire un cataclysme. Il faut que ça brûle ... Ne coupez jamais d'eau votre pétrole, malheureux. Que ça flambe. L'image est le véhicule de l'humour et, par réciprocité proportionnelle, ce qui fait la force de l'image, c'est l'humour. Ne pas confondre poésie et routine, poésie et gâtisme, ne pas confondre image et comparaison. L'utilisation à bon escient et dans toute sa force de l'image c'est ce qui confère l'originalité, la personnalité et, souvent, le talent du poète. Pour un classique ou un néo-classique, savoir maîtriser image et rime est un gage certain de succès. Combien d'images banales, fausses ou maladroites pour combler les vides des alexandrins... Dans ce domaine, le poète libéré possède un avantage certain dont il doit user et même abuser. Son vers, il peut le modeler au gré de ses images. Un vers libéré ne devrait jamais être un vers creux, ce doit être un vers plein. Admirer ce premier vers d'un poème fameux de Paul Eluard : Elle est debout sur mes paupières ... 94 LES MOTS Ce sont les mots qui créent la poésie. Ce sont des sons. Ils ont une odeur, une saveur qui leur sont propres, ils sont les notes magiques que le poète module pour orchestrer sa symphonie. Le poète est un peintre. Il peint avec des mots. Et lorsque le lecteur prononce le vers, il écoute le mot dont la valeur dépasse son sens par son pouvoir d'évocation et de suggestion. Bachelard écrivait merveilleusement : Oui, vraiment, les mots rêvent... Il faut laisser aux mots le temps de rêver... Pour un rêveur de mots, il y a des mots qui sont des coquilles de parole. Oui, en écoutant certains mots, comme l'enfant écoute la mer en un coquillage, un rêveur de mots entend les rumeurs d'un monde de songes... Dans ma berce, dit Mistral, dans une berce quel grand sommeil pour une enfance. Dans une berce, on connaît le vrai sommeil, puisqu'on dort dans le féminin... "La Poétique de la Rêverie " Et qu 'on comprenne bien que nous disons : jeux de mots, quand ce sont nos plus sûres raisons d'être qui sont enjeu. Les mots du reste ont fini déjouer. Les mots font l'amour. André Breton "Les mots sans rides" dans "Les pas perdus" Aime les mots qui peignent vrai Et qui confessent les secrets. Quand il est beau, répète un mot. ...Choisis des mots tout en relief, des mots musclés Des mots de feu, dansant leurs fauves bacchanales... Mais que ce soient des mots où s'éplore une voix, Mais que ce soient des mots tout sanglotants d'émoi... ...Colore chaque mot du sang chaud de la vie... ...Un mot c'est une haleine... Marcel Chabot Les mots N'enferme pas les oiseaux bleus Avec leurs ailes repliées Dans la cage dorée aux barreaux bien serrés. Des ailes... - Les coeurs chauds craquent dans des mots. Un mot c'est un coeur qui bat Plus vif ou las Au rythme des autres coeurs. Chaque mot porte sa lumière Ou lisse, hérisse ses griffes Et, cri de colère Ou caresse de rosés, II met à nu le coeur des causes. 95 Chaque mot est l'écho léger, Le son et la voix des pensées Et quand il cliquette en des notes brèves Le mot est le pas de danse du rêve. Chaque mot est l'écho léger Des idées. Froissement de soie ou bave de lave Chaque mot est un peu de nous Qui s'avoue. La vie est plus réelle au creux du nid des mots. Chaque mot est une vigie De l'antique Cité des morts Qui veille encore notre vie. Les mots sont les baisers des bouches invisibles. Humanise l'humain dans le coeur chaud des mots. Par-delà les murs étroits des saisons Lance ta pensée émiettée Et retrouvée, Toute chaude d'être elle-même Au creux chantant de chaque mot. Marcel Chabot II y a des mots longs, des mots courts, des mots brefs apportant chacun un "quelque chose" à la valeur du vers. Monts, ifs, mer, tout s'enfuit Victor Hugo Mais qu 'en sort-il souvent ? Du vent. La Fontaine Les mots longs apportent une nuance - De durée : Sur tant de vanité croît éternellement... Leconte de l'Isle - D'étendue : L'échelonnement des haies Moutonne à l'infini. Verlaine Un navire y passait majestueusement Vigny - D'insistance : d'autant plus que plusieurs mots relativement longs se suivent : Une ondulation majestueuse et lente Leconte de l'Isle II y a des mots vides qui ne sont que des outils de grammaire et d'autres pleins dont la densité emplit la pensée et crée une tension d'esprit qu'il faut savoir utiliser rationnellement. Voici quelques règles ou astuces parfois agrémentées de mots barbares que l'on peut oublier si on en conserve les principes... - Suppression de l'article pour accentuer la puissance d'une image ou d'un sentiment : 96 ...Comme pierre dans le puits ...Dans le trou, il y a haine (toujours), effroi aussi et impuissance : II y a impuissance et le vent est dense, Fort comme sont les tourbillons... H.Michaux - Ou suppression du pronom personnel : Henri Michaux continue : Fort comme sont les tourbillons Casserait une aiguille d'acier Et ce n'est qu'un vent, un vide... - Répétition pour créer un effet d'accélération : Un jour, Un jour, bientôt, peut-être. Un jour j'arracherais l'ancre qui tient mon navire loin des mers Henri Michaux - Répétition d'un mot ou d'un même radical (polyplote) pour donner plus d'ampleur à l'idée ou plus de malice : Votre cul, qui doit èstre un des beaux culs de France Comme un cul d'importance A receu chez la Reyne enfin le tabouret. Scarron "Stance à Madame xxx Je l'ai dit, le dis encore et le dirai toujours. - Répétition multiple d'un mot ou d'une formule (épanode) qui réapparaît en différents moments et donne une impression de mouvements vifs, de désordre ou d'énergie. - Répétition d'un mot en point d'appui pour une mise en valeur (que Henri Morier appelle "le mordant") : Depuis qu 'elle est ma peine, Voilà si longtemps - si ! -Depuis qu 'elle est ma peine Qu 'elle m'embrasse ainsi. - Répétition d'un mot au début de plusieurs vers, de plusieurs phrases ou corps de phrase pour marquer l'insistance, la volonté, l'amour, la haine incurable, l'indignation : De quel droit mettez-vous des oiseaux dans des cages, De quel droit ôtez-vous ces chanteurs au bocage, Aux sources, à l'aurore, à la nuée, au vent. Victor Hugo 0 combien de marins, combien de capitaines... - Répétition d'un mot ou d'une formule au début ou à la fin d'une période ou d'une strophe (épiphore ou épistrophe). Cas de la ballade par exemple. - Répétition en chaîne de plusieurs noms (concaténation). - Répétition à la suite par gradation ou dégradation : Le poumon, le poumon vous dis-je - Rapprochement, dans la phrase, de mots offrant des sonorités analogues avec des sens différents (paronomase) : Au biseau des baisers Les ans passent trop vite 97 | |
| | | didier mordu(e)
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| Sujet: Re: Traité de Gilles Sorgel Mer 2 Fév - 17:26 | |
| Aragon "Eisa je t'aime" Attention toutefois de ne pas tomber dans le calembour : Valeur-voleur, fléchir-fléché ... IL EST PRÉFÉRABLE D'ÉVITER ... - Le pléonasme, c'est-à-dire la répétition inutile d'une idée déjà contenue dans un mot de la même phrase. Ex : Un petit détail, bon succès, descendre en bas. Excepté en cas d'insistance : Je l'ai vu, dis-je, vu, de mes propres yeux vu, Ce qu 'on appelle vu. Molière Dans cette phrase : Ce texte fourmille de trop de fautes. "Trop" est de trop. C'est ce qu'on appelle une périssologie : un pléonasme impar-donnable. Dans ce cas, un seul conseil : "N'hésitez pas sabrez !" - La redondance Ex : La verte émeraude, l'onde humide, La neige blanche, le sang rouge... - Les mots vulgaires. La poésie classique possède ses mots nobles : Ex : Les coursiers, les flammes, la nef, le char, la nue, le courroux, le forfait, l'hymen... Appelons un cochon, cochon, d'accord mais, dans un sens comme dans un autre, évitons les abus. - Les mots trop courants en utilisant leurs synonymes suivant leurs nuances et leur intensification. Ex : Amour et aimer par chérir, idolâtrer, passion, adoration, dévotion... - Les formes désuètes et plus ou moins cacophoniques : Ex : Nous pûmes, que nous allâmes, Excepté bien entendu si cela est voulu car nécessaire pour obtenir un effet particulier. Ainsi, une réussite de Victor Hugo : Une colombe et moi longtemps nous nous aimâmes. Maintenant je sais l'art d'apprivoiser les âmes. (R.O. XXXVII) - Les adjectifs qui servent trop souvent de chevilles et de remplissage. Ne les conservez que s'ils apportent quelque chose et enrichissent le texte. Revoyez la partie du chapitre 4, page 30, qui leur est consacré. "N'hésitez pas : sabrez-les !" - Les verbes "avoir" et "être" qui ne sont souvent que l'apanage d'un style banal et médiocre. Réduisez-les au strict minimum et vous serez surpris de constater avec quelle facilité la recherche effectuée pour les remplacer vous fera découvrir des images neuves et colorées. 98 "Sabrez-les!" De même, les "et", "bien", "très", "alors", "mais", "car". Remettons-nous en mémoire, maintenant, sans explications inutiles, quelques figures de styles sur lesquelles, potaches, nous avons peut-être lamentablement séché et que nous avons, j'en suis presque certain, très certainement oubliées. Du moins, en partie. - La métaphore, cette comparaison expurgée des mots inutiles. Ex : Les eaux fuyaient comme des mouvants miroirs devient : Les eaux fuyaient, mouvants miroirs Victor Hugo Ex : L'aurore, pareille à une déesse aux doigts couleur de rosé devient L'aurore aux doigts de rosé. Homère Le délire aux doigts de cristal Pierre Reverdy "N'hésitez pas : sabrez !" - La métonymie : Un mot se substitue à un autre par un rapport de voisinage. Et de ce même sang se peut-il que je sois. (Les Femmes savantes) Depuis plus de six mois éloigné de mon père, J'ignore le destin d'une tête si chère. Racine "Phèdre" - La synecdoque qui consiste à prendre le tout pour la partie et la partie pour le tout, le genre pour l'espèce et l'espèce pour le genre, le singulier pour le pluriel et le pluriel pour le singulier. Du reptile tranché, les deux tronçons se tordent Paul Valéry "Dialogue de l'arbre" La Seine a des Bourbons, le Tibre a des Césars Boileau - L'antithèse qui permet de souligner, en les rapprochant, l'opposition de deux mots : Joyeux, j'ai vingt cinq ans ; triste, j'en ai cinquante Victor Hugo II est parti par la route, un soir Sur un cheval cavecé de noir, Blanc comme l'écume et la nuée. Viélé Griffin - L'Ellipse, suppression d'un mot nécessaire à la compréhension de la phrase, mais sous entendu. Silence ! " pour "Faîtes silence ! Je t'aimais inconstant, qu'aurais-je fait fidèle ? Racine - La catachrèse, métaphore, métonymie, synecdoque consistant à employer un mot au-delà de son 99 sens strict. Les ailes du château, les yeux de la vigne, la lèvre d'un vase etc.. - La prosopopée, l'art de faire parler des personnes absentes, décédées ou des êtres personnifiés. - L'anacoluthe, changement brusque, au cours d'une phrase, de la construction grammaticale : O ciel ! Plus j'examine et plus je le regarde, C'est lui. Racine Vous voulez que ce Dieu vous comble de bienfaits Et ne l'aimer jamais. Racine - Le symbole, ce mot ou groupe de mots qui représente l'image ou la qualité d'un être ou d'une chose. Certains sont simples tel le chien symbole de la fidélité, la balance symbole de la justice, d'autres plus complexes et certains intelligibles des seuls initiés - Henri de Régnier par exemple en usa et en abusa : Reprends la route du bois sombre Henri de Régnier "Vestigia Flammae" Ce qui signifie : "Achemine-toi vers ta destinée parmi les chagrins et les deuils de l'existence..." - La parabole ou allégorie, comparaison développée et symbolique. Relisez le poème de Baudelaire "A une passante" (Les Fleurs du Mal), cette passante, comparaison indirecte mais combien expressive, qui représente les affinités déçues : La rue assourdissante autour de moi hurlait. Une femme passa .fugitive beauté Dont le regard m'a fait soudainement renaître, Ne te verrai-jeplus que dans l'éternité ? Ailleurs, bien loin d'ici ! Trop tard ! Jamais peut-être ! Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais, O toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais... - La périphrase, remplacement d'un mot simple par une tournure plus ou moins alambiquée, souvent pour exprimer ce qu'on ne veut pas dire... Une merveille du style "en échappatoire" mais soyez prudents, méfiez-vous en comme de la peste. Car le meilleur conseil que nous puissions vous donner, lorsque vous reprenez la mise au point d'un premier jet : "N'hésitez pas : Sabrez !" 100 LES SONS Poètes nous aimons les suaves leçons Que filent dans leurs chants pleins de frissons les sons, Ces rossignols qui mouillent les soirs bleus De gouttes de lune au baiser frileux Marcel Chabot ... Si vous voulez des sons, rien que des sons qui dansent, Qui dansent en cadence Et comme des jets d'eaux aux jeux souples s'élancent ; Si vous aimez les sons, les sons, rien que les sons Et les chansons, Soyez le flot, Soyez le vent, soyez l'oiseau, Soyez la flûte, le ruisseau, Soyez l'écho !... Marcel Chabot La versification peut se définir : l'art défaire bénéficier le plus possible le langage des qualités agréables et expressives du son. Sully Prudhomme "Réflexims sur l'art des vers" Nous écrivons : le poète est un peintre. Il peint avec des mots. Nous pourrions préciser: il peint avec des sons. A noter cette remarque de Jean Mazaleyrat (Eléments de métrique française) : Les éléments de la structure rythmique du vers sont ainsi l'objet d'une série de correspondances sonores qui en font, dans le cadre de cette structure même, un ensemble harmoniquement cohérent. Il est assez remarquable que beaucoup de vers traditionnellement considérés comme harmonieux participent de cette organisation. Et de René Ghil (Traité du verbe) : Or si le son peut-être traduit en couleur, la couleur peut se traduire en son et, aussitôt en timbre d'instrument. Toute la trouvaille est là gisant. Les sons ont une qualité indépendante du sens des mots qu'ils forment. Ils possèdent par eux-mêmes une qualité expressive que le poète doit connaître afin d'être capable de l'utiliser. Il y a des sons agréables à l'oreille : é, i, 1, z et des rencontres toutes en harmonie qui, instinctivement, plaisent : cristal, oriflamme ainsi que certains vers qui le doivent à leurs composants : Balance les beaux lys comme des encensoirs Vigny Certaines répartitions harmonieuses de voyelles : retentissantes (a, o), claires (é, i) ou sourdes (u, ou) en rencontre avec des nasales ou des liquides (verveines, sereine, airelle, Hellène)... Par contre, certaines sonorités sont déplaisantes : gu (grognon), oin (groin, sagouin), ail et ouil (criailler, bafouiller) ainsi que la syllabe pu pour laquelle on est obligé, en la prononçant de faire la moue (purée, punaise, putois...) 101 Nous avons la chance de disposer d'une langue où la répartition des voyelles et des consonnes est à peu près équilibrée et nous avons des possibilités exceptionnelles d'utiliser les sons créés par ces voyelles et ces consonnes ou par les deux, une voyelle étant rarement isolée. Lorsque les voyelles dominent, cela donne une impression de platitude. Le poème inouï de la cré-a-ti-on Vistor Hugo Alors que les syllabes soutenues par des consonnes donnent une impression de plénitude. Toujours le grand bruit sourd de ces flots noirs dans l'ombre A. Sanain Entre les deux, existe une multitude de possibilités. Notre langue est riche de possibilités expressives. Nous possédons les "onomatopées" : ronrons, glouglou... Puis, à un stade inférieur, les mots expressifs qui peuvent suggérer un bruit, un être, une idée : Ex : bourdon composé de voyelles très graves couplées avec le r qui produit un léger vibrement. Cela me rappelle deux mots de la langue grecque qui m'avaient frappé durant mes humanités et que je cite de mémoire car j'en ai presque tout oublié depuis : EMBA (la sauce) et EMBAMMA (la bonne petite sauce). Rien qu'en les prononçant, on en a plein la bouche. Qui ne se souvient de : "Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes" ? Racine "Andromaque" Le poète a peu d'occasion d'utiliser les onomatopées mais il doit constamment établir le rapport entre les sons et le sens de ce qu'il essaie de peindre ou d'exprimer. Continuellement, nous associons et nous comparons. Même les notions les plus abstraites sont presque toujours associées à des notions de couleur, de son, d'odeur, de dureté, de douceur. Une pensée grave se traduit par des sons graves. Une pensée douce par des sons doux. Même la pensée, comme la musique, se traduit par des sons. Lisez et retenez, à titre d'exemple, ce vers de Baudelaire : Infinis / bercements // du loisi/r embaumé. a) A la fin de la première et de la troisième mesure en symétrie, une assonance (infinis / loisir) b) Concordance de la deuxième et de la quatrième mesure (b.r.m. / r b m). Ce vers est poésie en lui-même et la rime y demeure secondaire car si la rime perfectionne le vers, elle n'en est pas l'élément prépondérant, c'est le corps même du vers qui est poésie. Ce qui crée la poésie du vers, ce n'est pas la rime - du moins, ce n'est pas uniquement la rime -, mais la correspondance de ses éléments sonores avec ses unités rythmiques. Une sonore, vaine et monotone ligne... Mallarmé Dans les étables lamentables Les lucarnes rapiécées Ballotent leurs loques falotes. Verhaeren 102 Il est indubitable que certains sons reproduisent approximativement les bruits caractéristiques existants : Le L appelé liquide reproduit un écoulement, Le S et F appelés sifflantes, un souffle, Le ch et J appelés chuintantes, un chuchotement, Le R appelé vibrante, un roulement, sans oublier les voyelles aux sonorités diverses : - claires, aiguës, vives et gaies (e,i) - graves (o) - éclatantes (a, e, è) - sourdes (u, eu, ou) - chantantes (on, an, in, un) - calmes et tristes (ou, on) Par contre, les allitérations (rencontres de consonnes) et les assonances (rencontres de voyelles) pouvent-être désagréables si elles sont mal utilisées. a) Dans certains mots (constata, entendant...) ; b) Dans des mots consécutifs (de drôles de drames...) ; c) Si les répétitions se prolongent Non, il n'est rien que Nanine n'honore... Voltaire Certains auteurs ont su se rectifier à temps. Ainsi, Corneille avait écrit dans une première rédaction : Je suis Romaine, Hélas ! Puisque mon époux l'est ! Ce qui laissait entendre : Ménélas, mon nez, poulet. Il le remplaça par ce beau vers : Je suis Romaine, hélas, puisqu 'Horace est romain ! d) Par des erreurs de sonorité qui produisent, en pratique, des effets contraires à ce que la pensée voudrait exprimer : Ex : Ton cher corps rare, harmonieux Verlaine 103 C'est en effet, un vers tout de rudesse alors qu'il devrait exprimer la douceur. Une des plus mauvaises réussites de Verlaine. | |
| | | didier mordu(e)
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| Sujet: Re: Traité de Gilles Sorgel Mer 2 Fév - 17:27 | |
| LES VOYELLES L'assonance (répétition de voyelles) ne se rencontre pas seulement en remplacement de la rime, elle meuble le vers en son intérieur car, en français, ce sont les voyelles qui font chanter les syllabes. La voyelle est sonore, elle vibre, s'estompe ou explose mais le son demeure. Le poème est une symphonie dont les voyelles sont les notes. René Ghil écrivait (Traité du verbe) : A, les orgues ; E, les harpes ; I, les violons ; O, les cuivres ; U, les flûtes ; et c'est en allant quérir selon l'ordre de ma vision chantante les mots où le plus souvent se nombre la VOYELLE maîtresse demandée, que l'immatérielle obéissance vibrera de l INSTRUMENT au timbre qui sied. Cependant la seule origine est là, de même que les VOYELLES sont de la langue la genèse ; et l'on veut au plus profond comme au plus haut se perdre dans l'épars souffle aussi des accords dilués : et la moins grande ingénuité des DIPHTONGUES et des VOYELLES COMPOSÉES est appelée assurant : que IE et IEU seront pour les Violons angoissés ; OU, IOU, UI et OUI pour les flûtes aprilines ; AÉ, OÉ et IN pour les Harpes rassérénant les deux ; 01, 10, et ON pour les Cuivres glorieux ; IA, ÉA, OA, UA, OU A, AN et OU AN pour les Orgues hiératiques. Mais plus, autour de ces sons, se grouperont : pour les Harpes, les T et D stériles, et l'aspirée H, et les G durs et mats ; pour les Violons, les S et les Z loin aiguisés ; et les LL mouillées et dolentes et les Vpriants ; pour les Cuivres, les âpres R ; pour les flûtes, les graciles L simples, et les enfantins J, et l'F soupirante ; pour les Orgues, les M et Nprolongeant un mouvement muable lourdement : plus s'entendra par le matin poétique l'aubade de mon désir ! Dans "le rythme du vers libre symboliste" en 3 volumes (études de Verhaeren, Henri de Régnier et Vielé - Griffin), Henri MORIER écrit : â grenat, pourpre, rouge sombre, presque noir. a écarlate, rouge éclatant, incarnat. à palissandre, amarante, brun ambré. à or, mordoré, couleur d'automne. 6 fauve, or terni. ô bronze, vieil or foncé. è lumière blanche ou jaune très clair. eu blancheur bleutée. eu bleu des deux. é jaune fané, parcheminé, couleur du blé. i givre, teinte argentine, éblouissante. u bleu de Prusse, bleu-vert foncé. ou gris-bleu flou, fumée, brume. r, y, ill, hiatus luminosité. voyelles nasales ) ) obscurité accumulation de consonnes ) Quand au vert, il n'est pas une couleur fondamentale ; étant le mélange de jaune et de bleu, il ne saurait se rendre que par la superposition de ces deux teintes, (é + u), comme dans "verdure". Est-il possible d'ajouter qu'il ne s'agit plus ici de science exacte et que nous sommes obligés, pour parvenir à un résultat positif, de faire intervenir, entre les données de la conscience et celles de la sensibilité, le facteur de la conjecture ? Nous ne donnons pas ces affirmations pour des vérités, mais pour des vraisemblances. M. Grammont (le vers français 1913) les décompose ainsi : 104 1) Voyelles aiguës : i ù bruits aigus, cris de douleur, de crainte supplication, joie, enthousiasme colère à son paroxysme mépris, ironie, moquerie 2) Voyelles claires : é, è (aigu affaibli) en liaison avec les voyelles aiguës légèreté, douceur gaieté, enthousiasme. 3) Voyelles éclatantes : a, o, oi, eu, au, in colère. 4) Voyelles sombres : ou, on, au Elles sont souvent mêlées aux voyelles éclatantes. 5) Voyelles nasales : in, an, on Si elles sont mêlées aux voyelles éclatantes et sombres, elles ont une valeur également sombre, lenteur, langueur, mollesse, nonchalance... Il est indéniable que la poésie est essentiellement suggestive et que les voyelles y jouent un rôle prépondérant, parfois seules, parfois mariées à des consonnes tout aussi expressives : Disloqué, de cailloux en cailloux, cahoté Victor Hugo "Le crapaud" Avec des grondements que prolonge un Ions râle. Hérédia "Bacchanale" II faut bien entendu éviter la cacophonie et les sons discordants et désagréables, excepté en cas d'harmonie imitative : Que l'oie au capitale oisive dans un coin En déplaçant sa voix avertisse au besoin Victor Hugo La tonalité des sons est fonction de la position des lèvres. Ainsi, il y a une grande divergence entre les nasales et les non-nasales. - Les non-nasales expriment la netteté, la fraîcheur, la pureté : De l'humide Théthys la purepierrerie Paul Valéry "Naissance de Vénus " - Les nasales expriment la lenteur, la douleur, les couleurs atténuées ou assombries, le désir, la volupté, la dégradation des valeurs : Quand veux-tu m'enterrer, débauche aux bras immondes Baudelaire i - é : légèreté : Mes baisers sont légers comme des éphémères Baudelaire Clarté : ... La merveille, lunaire Emerge avec le ciel des rêves P. Louys d'autant plus si elles sont renforcées par des consonnes crépitantes (pétiller...) : 105 Le fifre aux cris aigus Lamartine o : ampleur et retentissement : Opoponax, le son du cor N'est rien auprès de ta fanfare Léon Valade d'autant plus si elle est renforcée par des nasales : Sur la plage sonore où la mer de Sorrente Lamartine a : éclat, vacarme : aucun fracas de buccins ne sonnaient leur fanfare Hérédia Gravité : Qui le pare et le drape en personnage grave Paul Valéry ou : moles se (mou - flou) ampleur ou lourdeur : Elle enfonça d'abord sa poupe et puis sa proue A. Vigny Grondement sourd : L'horizon rouge où roule, où court un sourd tonnerre P. Louys OU - AU - OM, de faible intensité : faiblesse, douceur, demi -teintes : Un frisson d'eau sur de la mousse Verlaine de même, OU - A - EM - ON - O expriment souvent des résonnances basses, lourdes ou graves : Le faubourg secoué par les lourds tombereaux Baudelaire U : sonorité atténuée, mystère : Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée Cette sensation est encore accentuée par le son ou renouvelée quatre fois Enfin, n'oublions pas la particularité expressive des sons dits "mouillés" : Bailler, grillon, brailler, fouiller. Et celle du hiatus... Mais n'insistons pas, nous en avons suffisamment parlé, de lui qui peut être tout de douceur : Une ondulati-on majestu-euse et lente Leconte de Lisle Ou de heurt et de rudesse : Un désordre, un chaos, une cohue énorme Racine 106 LES CONSONNES L'allitération, un élément capital des possibilités expressives du vers, est la répétition des consonnes, surtout des consonnes initiales qui sont, en général, mieux ressenties : Assise, [afileuse au bleu de [a croisée Où {e jardin mélodieux se dodeline ; Le rouet ancien qui ronfle Va grisée. Lasse, ayant bu l'azur, défiler la câline Chevelure, à ses doigts si faible évasive, EUe songe, et sa tête petite s'incline... Mais la dormeuse file une laine isolée ; Mystérieusement Vombre frêle se tresse Au fil de ses doigts longs et qui dorment filée. Paul Valéry L'allitération comme l'assonance doit être pratiquée avec discrétion et intelligemment. Voici ce que P. Louys disait au sujet de son vers : Lèvres, chaleurs, cheveux, rien n 'est charmant que vous Tout cela est fait avec des çh, mais c'est beaucoup plus difficile que cela ne paraît. Avant tout, il ne faut pas un çh_ de trop. Si je me trompe et si j'écris : Charmes, chaleurs, cheveux... On croira entendre la lecture d'un dictionnaire alphabétique. Les consonnes se classent en deux catégories : 1) Les consonnes dites momentanées ou instantanées : P.T.C. (dur), B.D.G. (dur) qui donnent aux mots un aspect sec, d'hésitation ou d'agitation. 2) les consonnes dites continues ou prolongeables dont la prononciation "s'allonge" et, qui sont, de ce fait, favorables à l'onomatopée. Certaines sonorités des consonnes se concrétisent par leur articulation : ainsi, lorsque l'on prononce P.B. ou F.V., les lèvres se gonflent figurant le mépris et le dégoût "fi ! pouah ! ..." Rencontre de consonnes : II est également intéressant de remarquer l'effet obtenu lorsque les consonnes prolongeables (f, s, j, ch, r, 1) rencontrent les consonnes instantanées (P, T, K, B, D, G). On obtient alors : - une impression de lourdeur : chirurgien, strict... - une impression de précipitation, de fuite : Le quadrupède Helops fuit Chenier - une impression de heurt et d'effort si la deuxième consonne est une instantanée car on se trouve dans l'obligation de fermer le canal vocal pour prononcer cette seconde consonne : Restriction, obstruction... - une impression bizarre, lourde, trouble avec les rencontres de consonnes peu courantes ou étrangères : Pneumonie, slalom... Les consonnes instantanées dites aussi "explosives" par la brusque échappée d'air qu'elles entraînent marquent entre autres d'une manière toute spéciale : 107 - un mouvement vif (précipité - cataracte...) Un cosaque survint qui prit l'enfant en croupe Et l'emporta tout effaré. Victor Hugo - la saccade, la cassure (gutturale...), les bruits secs, la colère : ... Et du coup te cassa les reins. Barbier - parfois le battement léger, le tâtonnement, le boitillement : Une pauvresse aux longues mains Du bout de son bâton tâtonne. Emile Verhaeren - l'arrêt concrétisé par l'arrêt sec de la prononciation : Stopp(e), heurt(e), abrupt... Le langage des fleurs et des choses muettes ! Baudelaire "Elévation " - Par la consonne "B" le mécontentement (bouder), la stupéfaction (ébahi), la stupidité (imbécile), la sensualité qui vous fait saliver... D'une bouche b_avant une b_ave imb_écile Victor Hugo Baisers, baves d'amour, basses béatitudes Valéry "Air de Sémiramis" - Par la consonne "D", une expression d'abandon : // lui donne un désir d'amour et d'indolence A. de Vigny Les consonnes prolongeables aux nuances presque infinies : F : souffle, douceur, volupté. Un frais parfum sortait des touffes d'asphodèle. Victor Hugo Comme un reflet de fleur au fleuve Viélé Griffin Marié avec la vibrante "r", elle exprime le frisson, le frémissement, le froissement, le frôlement : Frôle d'un pied craintif l'eau froide du bassin Hérédia V : également plaisir et volupté : Vénus vertigineuse avec ses bras fondants Valéry "Profusion du soir" Combiné avec la diphtongue "OU", elle donne une impression d'étouffement, de souffle retenu, d'engloutissement... Le vol mou_ des vampires Th. Gauthier L M J N - S F V : écoulement, fluidité : Et ta tress_e s_e fraye un frisson sur s_es flancs Valéry "Naissance de Vénus" Heureuse, tu te fonds aux feuilles Valéry R : roulement, grondement, horreur, le tout plus ou moins accentué suivant le timbre de la 108 voyelle ou de consonnes voisines : Vous me le murmurez, ramures Valéry Le gouffre roule et tord ses plis démesurés Et fait râler d'horreur les agrès effarés Victor Hugo S : a) Sifflement et ruse sournoise : Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes Racine b) Sons stridents, sifflants ou suraigus : (scie, scierie, crécelle...) : c) Sensation aiguës de l'ordre gustatif : (Acide - groseille - citron) Ceci n'est qu'une suite fort simple et modeste de quelques exemples qui, je l'espère, vous donneront le goût du vers expressif, ce que j'appelle "le vers plein". Ah ! J'oubliais ... mais vous, n'oubliez pas : - Les chuintantes et le son "gn" souvent mariés pour suggérer dégoût et laideur (rechigner...) •> - Le "h aspiré" particulièrement expressif. Certains ne s'amusent-ils pas à aspirer le mot "h- énorme" ? ; Et, dans le même ordre d'idée, l'accent spécifique et expressif de la prononciation de certaines syllabes précédant des doubles consonnes : (allusion, accréditer, attablé, attéré, accablé ...) ; - Les multisonnances, c'est-à-dire la répétition d'un ensemble de phonème : C'est qu'à l'orgue l'orage a détruit la voix d'ange Aragon "Les yeux d'Eisa plus belle que les larmes. Str. 2" O Laure, Vaurait-il aimée à ta semblance ? 109 (d° Str. 12) | |
| | | didier mordu(e)
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| Sujet: Re: Traité de Gilles Sorgel Mer 2 Fév - 17:30 | |
| CONCLUSIONS Enfin, n'oubliez surtout pas ces deux verbes : "lire" et "sabrer". Ne vous recroquevillez pas sur votre "moi" bien imparfait - car il l'est comparé à ce qu'il pourrait être - et, pour cela, lisez ! lisez ! lisez ! Lorsque vous reprenez l'un de vos brouillons, ne l'engluez pas d'une mélasse dégoulinante de délayage inutile ; tout au contraire, tirez-en la quintessence et, pour cela, sabrez ! sabrez ! sabrez j Essayez de tirer tout le profit possible de l'expérience, de la technique et des traits de génie des autres - car même les autres en ont - et recherchez l'approche du parfait, c'est-à-dire de la beauté telle qu'on l'espère en nos aspirations les plus profondes. LISEZ et SABREZ ! Notre langue est riche, riche et mélodieuse. Elle possède et nous possédons, par les mots, les images et les sons, une gamme merveilleuse modulable à l'infini. Apprenons à la connaître : nous ne la connaîtrons jamais assez ; il existera toujours, en quelques méandres jalousement cachés, une perle inconnue qui sera peut-être le joyau suprême de l'extase exprimée du poème de demain. Notre muse, par une inspiration inconsciente, sera alors à même de puiser au plus profond de notre subconscient pour y extraire le nectar dont notre plume aura besoin. Mais, alors, ne nous laissons pas ensorceler par la trompeuse attirance d'une recherche de linguistique froide, sinon glacée et figée dans l'incompréhensible... Laissons cela aux intellectuels d'avant-garde qui se torturent et se minent l'esprit tout en se croyant l'élite d'aujourd'hui alors que demain, sans remords, les oubliera. Soyons simples, clairs et concis ; soyons lisibles ; 110 en deux mots, restons humains car la poésie vraie, pour parler au coeur, sera toujours humaine. BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE Th de Banville "Petit traité de poésie française" Charpentier 1984. F. Deloffre "Levers français" SEDES 1969/1973. F. Deloffre "Stylistique et poétique française" SEDES 1970. A.Dorchain "l'Art des vers" Garnier. G. Duhamel et Ch. Vildrac "Note sur la technique poétique" Figuière 1910. W. T. Elwert "Traité de versification française" Klincksieck 1965. M. Grammont "Le vers français, ses moyens d'expressions, son harmonie" Delagrave 1961. M. Grammont "Petit traité de versification" A. Colin collection U. 1942. P. Guiraud "La versification" (que sais-je) 1970. R. Labanne "Guide pratique de la poésie traditionnelle" Les Presses du Monteil. Ch. le Goffic et Thieulin "Nouveau traité de versification française" Masson 1890. Jean Mazaleyrat "Eléments de métrique française" A. Colin. Collection U. 1963. Jean Mazaleyrat "Pour une étude rythmique du vers français moderne" Minard 1963. Jean Claude DE MICHIELI "Les arcanes, du vers ou Le voyage en prosodie" le Ver Luisant 2000 Pour les classiques, nous recommandons un abrégé d'art poétique (29 pages de théorie suivies de 72 pages de poèmes parfaits modèles du genre) "Poète prends ton luth " rédigé par Hermine Venot-Focké , alors présidente de l'académie des poètes classiques de France. Ouvrage couronné par l'Académie Française - Arcam - 1979 Enfin, pour tous, un livre exceptionnel, une mine (près de 1.300 pages) d'études approfondies sur tout ce qui concerne l'art poétique : "Le dictionnaire de poétique et de rhétorique " de Henri Morier - Presses Universitaires de France 1981. Un dernier conseil Si votre bibliothèque municipale ne possède pas le livre que vous désirez compulser, deux solutions sont possibles : ou vous vous rendez à la Bibliothèque Nationale à Paris (consultation gratuite en salle de travail, chaque jour ouvrable) ou vous les empruntez à la Bibliothèque Nationale par l'intermédiaire de votre bibliothèque municipale. C'est également gratuit. m De tels emprunts peuvent également se réaliser de bibliothèque à bibliothèque. TABLE DES MATIERES Pages Préface de la deuxième édition 5 LIMINAIRE 7 Citations de nos aînés 11 PREMIÈRE PARTIE Etude des lois classiques I Versification 17 II E muet et hiatus 18 III Diérèse 20 IV Rime 25 V Rythme et vers 36 VI Césure, hémistiche, accent 41 VII Enjambement, rejet 45 VIII Strophes 46 IX Formes fixes 51 X Du vers libre classique 70 DEUXIÈME PARTIE Commentaires à l'usage des dissidents Citations Marcel Chabot 73 I Versification 74 II E muet et hiatus 75 III Diérèse 78 IV Rime 80 V Rythme et vers 83 VI Césure, hémistiche, accent 85 VII Enjambement, rejet 85 VIII Strophes 86 IX Formes fixes 87 X Du vers libre classique 87 TROISIÈME PARTIE Stylistique sommaire Généralités 91 Le rythme 92 Le symbole, l'image 97 Les mots 98 Les sons 104 Les voyelles 107 Les consonnes 110 Conclusion 113 Bibliographie sommaire 114 Index 115 | |
| | | didier mordu(e)
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| Sujet: Re: Traité de Gilles Sorgel Mer 2 Fév - 17:32 | |
| INDEX SOMMAIRE accent 37 41 85 93 accentuée (syllabe) 94 acrostiche 65 adjectif 30 101 alexandrin 36 allégorie 103 allitération 110 alterné (sonnet) 55 anacoluthe 101 103 anacrouse 94 antithèse 102 apocope 75 apparent (sonnet) 54 assonance 30 107 ballade 59 catachrèse 103 catalexe 94 chant royal 60 césure 17 41 85 chant royal 61 cheville 101 chuintante (consonne) 106 112 chute 48 concaténation 100 consonantique (alternance) 82 consonnes 110 contre-rejet 45 coupe 41 95 couplet 46 décasyllabe 36 diérèse 20 78 diphtongue 20 dissyllage (vers) 39 distique 51 dizain 52 dynamique (monosyllabe) 94 élision 18 41 ellipse 102 endécasyllabe (vers) 36 enjambement 45 85 ennéasyllabe (vers) 37 envoi 59 épanode 100 113 épiphore ou épistrophe 100 épithète 30 eptasyllabe (vers) 38 équivalences 27 estrambot (sonnet) 55 fatras et double fatras 69 fixe (forme) 51 87 glose 65 haïkaï ethaïku 66 harmonie 91 hémistiche 30 41 85 héroïque (vers) 36 hétérométrique (strophe) 46 hétérométrique (rime) 96 hexamètre 36 hiatus 19 76 109 homophonie 25 17 huitain 51 iambes 40 image 97 isométrique ou isomètre (strophe) 46 isométrique ou isomètre (rime) 96 lai 69 layé (sonnet) 54 libérée conservatrice (poésie) 8 libérée ultra (poésie) 8 libre (poésie) 7 libre (vers) 70 87 liquide (consonne) 106 métaphore 102 métonymie 102 métrique (vers) 20 momentanée (consonne) 110 monosyllabe 29 monosyllabe (vers) 39 mots 98 muet (e) 18 40 75 multisonnances 112 néo-classique (poésie) 7 nombre 17 octosyllabe (vers) 37 onomatopée 105 orthographe (de la rime) 27 pantoum 64 parabole 103 paronomase 100 pause 41 périphrase 103 pied 20 pléonasme 101 polaire (sonnet) 55 polyplote 100 prosopopée 103 provinciales (rimes) 28 quatrain 51 quintain 51 quintil 51 quinzain (sonnet) 55 rapportés vers 35 redondance 101 rejet 45 85 renga 66 renversé (sonnet) 54 rime 17 25 80 rime alternée 32 rime annexée 33 rime batelée 33 rime brisée 35 rime couronnée 34 rime croisée 32 rime double couronne 34 rime embrassée 32 rime emperière 34 rime enchaînée 33 rime équivoque 34 rime féminine 25 rime fraternisée ou fratrisée 33 rime holorime 26 rime impératrice 34 rime jumelle 32 rime kyrielle 34 rime masculine 25 rime mêlée 32 rime plate 32 rime redoublée 33 rime rétrograde 34 rime riche 26 rime senée 34 rime suffisante 25 114 rime suivie 32 rondeau 56 rondel 57 rythme 35 83 92 seizain (sonnet) 55 sextine 67 sifflante (consonne) 106 sizain 51 sonnet 53 sons 104 stance 46 strophe 46 86 syllabique (vers) 20 symbole 97 103 synérèse 20 syncope 75 synecdoque 102 tanka et waka 66 tercet 47 51 terza -rima 63 tétrasyllabe (vers) 38 trisyllabe (vers) 38 trimètre ou ternaire 44 triolet 58 vibrante (consonne) 106 viUanelle 62 virelai 69 vocalique (alternance) 82 voyelles 107 | |
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